«La révolution dévore ses enfants». Quarante-six ans après l'indépendance et soixante-quatre années après les évènements de 8 mai 1945, la lecture de l'histoire chez nous reste sélective, malgré les discours de bonnes intentions des différents responsables du pays. Pour des raisons aussi obscures que malsaines, des géants de l'Histoire de ce pays -ceux qui l'ont faite- sont rayés de la nomenclature des personnalités nationales. Pire, des noms célèbres et mythiques disparaissent, pas seulement des manuels d'Histoire (l'enseignement de cette matière n'est toujours pas laissé aux spécialistes) mais des plaques commémoratives et des espaces réservés à la mémoire. Et c'est souvent le fait de prince. Puisque pour des supposés différences personnelles à un moment donné de la marche du mouvement national, un vivant peut exclure un mort pour une simple saute d'humeur.Et ce n'est pas l'occultation de certaines figures du mouvement national, à l'image de Abane, Krim, Khider, Boudiaf… pendant des années, avant leur réhabilitation partielle, qui va démentir cela. «On a souvent dit aux étrangers que j'étais à l'étranger et que je me suis établie en France», disait récemment, sous un air de désolation, l'emblématique Djamila Bouhired à un confrère. Et oui, cette héroïne nationale, chantée par les étrangers, consacrée par des livres et portée à l'écran par d'autres pays, est très méconnue de la jeunesse algérienne. Elle est tellement excommuniée qu'elle a disparu de tous les manuels scolaires. Pire, sa photo ne figure pas dans le stands réservés à la Bataille d'Alger -dont elle est l'une des icônes- au sein du Musée national de l'armée, comme c'est le cas de ses compagnes Djamila Bouazza et Zohra Drif. Le même sort est réservé à l'architecte du Congrès de la Soummam, Abane Ramdane, puisque ni son statut ni son portrait ne figurent dans le stand réservé au Congrès de la Soummam. Ni au Musée de l'armée ni dans celui du Moudjahid, situés à Riadh El Feth. A côté de ces deux «apôtres», une main étrange a osé enlever le nom d'Henri Maillot du fronton de l'hôpital de Bab El Oued. Il est vrai qu'il est remplacé par une autre figure de proue du Mouvement national, feu Mohamed-Lamine Debaghine. Mais qu'ont donc fait Henri Maillot ou Fernand Yveton et tant d'autres valeureux combattants pour mériter tant de mépris ? La liste est malheureusement longue. Très longue même. Et ce ne sera pas demain le bout de tunnel. Surtout que des apesanteurs de différentes natures subsistent toujours. A. B.