Photo Zohir Par Ali Boukhlef La très attendue visite de Bernard Kouchner en Algérie n'a finalement pas changé grand-chose aux relations algéro-françaises. S'il est, en effet, vrai que le langage diplomatique a été présent, notamment entre les deux ministres des Affaires étrangères qui ont affiché une complicité inhabituelle jusqu'à s'appeler par leurs prénoms, le concret n'a pas vraiment suivi. Ou très peu. Le peu qui a suivi concrètement est à mettre à l'actif des relations purement bilatérales, à commencer par deux contrats, retardés pour des raisons inconnues, concernant le nucléaire et, fait apparemment nouveau, le domaine militaire dont les contours ne sont toujours pas précis. A cela il y a lieu d'ajouter un autre point tout aussi intéressant. Il s'agit d'un prochain accord sur la consultation des archives. L'accord est important dans la mesure où les archives constituent une pomme de discorde entre les deux pays depuis des années, la France ayant refusé de livrer les archives, arguant que cela lui appartient et les Algériens demandant à ce que les documents de l'ère coloniale leur soit restitués. La convention qui va être signée dans ce sens serait donc un compromis que les deux pays auraient trouvé en attendant que le travail de mémoire soit définitivement achevé. Et ce ne sera certainement pas pour demain. Ces contrats en vue, additionnés aux prochaines visites de hauts responsables français, contrastent cependant avec le projet de l'union pour la Méditerranée qui constitue, encore une fois, un autre point de discorde entre des relations déjà trop compliquées et dépassionnées entre deux pays qui se sont déjà «heurtés dans le passé», pour reprendre la formule de Bernard Kouchner. Le semi échec des discussions sur le sujet n'a cependant pas été dit expressément. Mais le ministre français des Affaires étrangères et européennes en a dit quelque chose avec sa franchise légendaire. «Tout n'est pas réglé. Mais j'espère que ce sera le cas lors du sommet de Paris», qui se tiendra le 13 juillet dans la capitale française. Et lorsqu'il dit que tout n'est pas réglé, Bernard Kouchner a signifié, en des termes à peine voilés, que l'Algérie n'est toujours pas complètement acquise à un projet, l'union pour la Méditerranée, qui n'est qu'au stade des intentions, même si le ministre français a tenté d'en exhiber des contenus concrets lors de sa conférence de presse lundi dernier, sans doute pour dissiper les craintes des Algériens à ce sujet. Kouchner a parlé pêle-mêle des projets sur l'environnement, l'agriculture et l'énergie solaire. «Un sujet sur lequel on peut commencer à travailler dès maintenant.» Et Kouchner ne s'arrête pas là. Il a même insinué que le projet de l'union pour la Méditerranée n'a rien de politique. Il est avant tout social, puisque, a-t-il argumenté, il est destiné aux populations des pays de la région. «Nous n'avons pas l'intention de régler les problèmes politiques avec l'UPM. Ce sont des projets concrets qui sont l'émanation des pays eux-mêmes.» On appren d'ailleurs que l'Algérie a participé, ne serait-ce que sur le plan technique, à l'élaboration de la quarantaine de propositions sur lesquelles la future union pourra démarrer une fois les problèmes structurels et institutionnels réglés. Bernard Kouchner a même avancé que les deux secteurs, privé et public, vont être associés au même niveau. Mais ce qui suscite apparemment l'appréhension des Algériens est relatif au volet politique de l'union pour la Méditerranée, des informations de plus en plus insistantes, et confirmées en partie par le chef de la diplomatie française. Kouchner a même reconnu qu'il est question de confier la présidence de l'union à Hosni Moubarak, le président égyptien, en partage avec, bien entendu, Nicolas Sarkozy, du côté nord de la Méditerranée. Le chef de la diplomatie française, appuyé avec un peu plus de vigueur par son homologue algérien, a tout de même précisé que «rien n'est encore décidé» et que les responsabilités sont «changeables tous les deux ans». Autrement dit, la présidence sera tournante, au sud comme au nord du Bassin méditerranéen. Il reste maintenant à savoir si l'Algérie, «partenaire clé», comme l'a soutenu Kouchner, va avoir sa pleine place dans le futur ensemble. Tout comme il serait intéressant de savoir si la question du Sahara occidental, tout comme d'ailleurs l'ouverture des frontières avec le Maroc ne vont pas trop influencer sur les rapports de force dans la région. D'ores et déjà, le ministre espagnol des Affaires étrangères, Migel Angel Moratinos, avait appelé, dans une tribune publiée dans le quotidien français le Monde, les pays de l'Union européenne à faire pression sur l'Algérie et le Maroc pour les pousser à ouvrir leurs frontières. Seul préalable, pour lui, de parvenir à bâtir la future union pour la Méditerranée. En tout état de cause, et en l'absence d'une position claire, l'attitude de l'Algérie va être définitivement clarifiée lors du sommet de juillet à Paris. Parce que, jusque-là, la visite de Kouchner n'a pas apporté du nouveau. Ne serait-ce qu'à ce niveau.