Entre Alger et Paris, les fils sont pratiquement coupés. Il n'y a plus de connexion possible, du moins dans l'immédiat et ce ne sont certainement pas les tentatives de visites, notamment du côté de Paris, qui changeront quelque chose à la donne. Il est vrai que deux conseillers du président français, au moins, sont à Alger pour tenter de recoller les morceaux. En vain. Et comme il fallait ajouter du fioul à un feu déjà couvant, le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, a fait des siennes cette semaine. Et à deux reprises. La première fois lorsqu'il a affirmé, sur le perchoir du Parlement de son pays, que «l'exécutif algérien n'a pas entériné» le fameux projet de loi criminalisant la colonisation française en Algérie. La deuxième fois, au début de cette semaine lorsque Kouchner a espéré trouver «des relations normales» avec notre pays après le départ de «la génération de l'indépendance» du pouvoir. La pique est de trop. D'autant que le sujet est extrêmement sensible. Surtout chez nous où la simple évocation de ce passé si douloureux ravive des blessures encore béantes. Quelle offense ! Bernard Kouchner a touché un point sensible des relations entre les deux pays. En touchant cette blessure -parce que c'en est une- le «french doctor» sait qu'il y aura des réactions pour le moins violentes à partir d'Alger. Cela signifie largement les intentions d'un homme qui, pour avoir pris l'habitude de commettre des gaffes, a, encore une fois, reporté l'amélioration des relations algéro-françaises sine die. Mais dans cette partie de jeu où les Français tirent toujours à côté, il n'y a pas que Bernard Kouchner. Son homologue chargé des anciens combattants, Hubert Falco, a lui aussi fait parler de lui en proposant (sic !) de faire asseoir à la même table le FLN (historique bien sûr) et l'OAS (Organisation armée secrète, qui a commis des massacres à la veille de l'indépendance) dans le cadre de ce que les Français appellent «Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie». Il ne manquait plus que ça! Autrement dit, pour régler ce que Paris appelle «la question de la mémoire», il faudra «réconcilier» les bourreaux et leurs victimes. Il ne manque que les harkis à ce tintamarre. Et dire que la réconciliation -la vraie- a d'abord été portée par les Algériens. Mais sans réel retour d'écoute. La seule réponse de Paris est celle de placer l'Algérie sur une liste noire de pays d'où peut provenir le danger terroriste. A vrai dire, la France n'a toujours pas admis que l'Algérie ne soit plus sa «chasse gardée». Elle ne l'est plus depuis qu'elle a décidé de diversifier ses partenaires, surtout au plan économique. Cela a démontré que Paris n'a ni la volonté ni le courage de construire une relation véritablement dépassionnée avec l'Algérie. Parce que si les excuses que demandent les Algériens sont un début de solution, les bonnes intentions des Français en sont la solution. Et par «bonnes intentions», il faut comprendre investissements au lieu de commerce et fin de rêve hégémonique. Ceci dit, rien n'est perdu. Un peu de modestie ne ferait pas de mal. A. B.