Le chef de la diplomatie française a fait une sortie médiatique, pour le moins, provocante, en affirmant que les relations algéro-françaises ne pourraient être normales tant que la génération de Novembre reste au pouvoir en Algérie. “Monsieur sac de riz”, dans une déclaration à l'hebdomadaire le Journal du dimanche, a estimé que “la génération de l'indépendance algérienne est encore au pouvoir. Après elle, ce sera peut-être plus simple”. La même réflexion est valable pour la génération au pouvoir en France. Tant que le lobby sioniste continue à dicter sa démarche à la diplomatie française et tant que les partisans de l'Algérie française restent au pouvoir à Paris, pas moyen d'imaginer une relation apaisée, dépassionnée entre les deux pays. Le chef de la diplomatie française, qui a dû abandonner ses convictions socialistes pour servir la cause du lobby sioniste, n'a pas, toutefois, perdu toutes ses mauvaises habitudes. Connu pour son penchant pour l'ingérence étrangère dans les affaires des pays en développement, sous le couvert d'actions humanitaires, Bernard Kouchner était en déplacement la semaine dernière à Bamako pour arracher du gouvernement malien la libération de terroristes d'Al-Qaïda en contrepartie de la libération de l'otage français. Il a fini par obtenir gain de cause, et tant pis pour les principes sacro-saints défendus dans les tribunes internationales. Ce donneur de leçons devant l'Eternel vient d'étaler son art de dire la chose et de faire son contraire. Dans la même déclaration, Bernard Kouchner défend la liste noire établie par la France pour faire plaisir aux Etats-Unis d'Amérique. Là aussi, le chef de la diplomatie française fait preuve d'une hypocrisie bien française. “C'est une norme de sécurité et l'Algérie n'est pas seule en cause. Les Algériens sont choqués, et c'est vrai qu'ils se battent courageusement contre Al-Qaïda. Mais nous appliquons des règles de sécurité”, explique M. Kouchner dans l'interview. Cette nouvelle maladresse diplomatique française intervient au moment où la visite de Bernard Kouchner à Alger est reportée depuis plusieurs mois et que la visite prévue par le président Abdelaziz Bouteflika à Paris reste toujours hypothétique. La dernière déclaration de Bernard Kouchner ne va certainement pas participer à aplanir les divergences, bien au contraire. Son contenu constitue une réponse de la France officielle à la dernière proposition de loi déposée par des députés algériens pour criminaliser la colonisation. La France officielle, en déclassifiant des archives liées aux essais nucléaires dans le Sahara algérien, a voulu transmettre un message selon lequel les irradiations n'étaient pas si importantes, pour preuve ses soldats mis en première ligne n'auraient pas été très atteints et, par voie de conséquence, les populations “indigènes” n'auraient aucun droit de revendiquer des indemnisations. Cette façon de traiter un pan de l'histoire coloniale française en Algérie renseigne sur les résistances des partisans de l'Algérie française au sein de la Ve République. Ceux-là mêmes qui ont tenté de faire passer un texte de loi au Parlement louant “les bienfaits du colonialisme”. Evidemment, M. Kouchner et ses semblables qui se précipitent à courber l'échine, à verser de chaudes larmes à chaque anniversaire de l'holocauste, à se confondre en excuses et à poursuivre le dernier des collaborateurs, même sur son lit de mort, n'arrivent toujours pas à admettre les crimes coloniaux, les fours crématoires, les exécutions sommaires commis en Algérie. Ils n'arrivent surtout pas à admettre que l'Algérie souveraine considère les “harkis” comme les “collabos”. Mais au-delà de cette guerre sémantique, Bernard Kouchner et tout son lobby doivent attendre encore trop longtemps s'ils comptent, réellement, voir l'Algérie débarrassée de la génération de Novembre. Car, en Algérie, chaque enfant qui naît est abreuvé des principes de Novembre. La Révolution coule dans le sang des Algériens, y compris ceux nés en France. Bien avant l'arrivée des colons français, l'Algérie a connu d'autres envahisseurs, d'autres civilisations qui ont tous fini par rebrousser chemin. Vouloir, aujourd'hui, ou dans cent ans, insulter la mémoire des Algériens, les inciter à devenir amnésiques ou myopes, serait une vaine tentative. Que M. Kouchner soit rassuré : les Algériens, qui n'ont aucun problème avec le peuple français, n'ont pas l'intention de changer. Même s'ils pardonnent, ils n'oublieront jamais. Même s'ils acceptent de tourner la page, ils ne la déchirent pas.