Badr Eddine Mili a présenté son premier roman, la Brèche et le Rempart, mardi dernier à la librairie Chihab, lors d'une rencontre animée par la responsable d'édition Yasmina Belkacem, en présence d'un nombreux public. L'animatrice présente le livre en expliquant que «c'est la saga d'une famille constantinoise entre la Seconde Guerre mondiale et l'indépendance. C'est un passionnant voyage dans la mémoire d'un quartier populaire, Aouinet El Foul». A propos du titre de l'ouvrage, l'auteur a expliqué que c'était une référence historique et militante à la prise par l'armée coloniale française en 1837 de Constantine, qui a ouvert une brèche dans le rempart, «une brèche qui a mené à la destruction et à la dénaturation de l'identité d'une nation». Il a précisé que le roman en question n'est pas une biographie. Même s'il y a quelques ingrédients personnels, c'est un travail littéraire sur la mémoire, un roman historique qui obéit aux règles du genre. Badr Eddine Mili explique les motivations profondes qui l'ont amené à l'écriture de ce roman : «C'est une réponse aux nostalgiques de l'époque coloniale et à la thèse de la cohabitation harmonieuse entre les Algériens et les colons. C'est aussi une réponse face à la volonté de certains de chloroformer et d'anesthésier la mémoire collective nationale. C'est aussi un moyen de rendre hommage à Si Messaoud, Zaamouche Ali, Meriem Bouatoura et aux nombreux frères et sœurs d'armes qui ont combattu pour la liberté de l'Algérie. Il s'agit aussi de reposer la question fondamentale de savoir comment et dans quelles ressources on doit puiser pour que le message du 1er Novembre 1954 puisse se compléter.» Le romancier soulignera qu'Aouinet El Foul, le quartier populaire de Constantine, était le réceptacle de tous les survivants des tribus éclatées de l'Est algérien, le terreau de la révolution et de l'éveil des consciences politiques et sociales. Son roman s'axe aussi sur trois personnages centraux, le père Hammadene, la mère Zakia, qui prend conscience que la seule chance de survie est une instruction aboutie, et le jeune Stopha, diminutif de Mustapha. Ce dernier est happé par deux mondes inconciliables, jusqu'à la nuit du phénix, le déclenchement de la révolution, une sorte de réconciliation où Stopha a compris qu'il était important d'aller chercher ce que Kateb Yacine a appelé «le butin de guerre» au profit de la révolution algérienne. Cette épopée se clôture sur l'indépendance, «celle qui porte le message du 1er Novembre, la grande espérance, la fin des injustices, des privilèges par la naissance, l'argent ou la position sociale». A la fin de la rencontre, Badr Eddine Mili a annoncé qu'il travaille sur la suite en deux parties de son roman consacré aux grandes illusions de l'indépendance en passant par la désillusion des années quatre-vingt jusqu'à la déchirure. Lors du débat qui a suivi la rencontre, la sœur de Hassiba Ben Bouali, qui prépare un livre sur la biographie de cette dernière souligné : «Pendant la guerre, même si ma sœur appartenait à une famille algérienne aisée, elle a donné sa vie, sa beauté et sa jeunesse pour que vive l'Algérie libre et indépendante. Chacun de nous doit écrire son histoire, son Algérie, son combat, sa libération afin de tracer l'histoire pour transmettre le message du 1er Novembre que j'appelle la symphonie inachevée, ce n'est pas avec un film à coups de milliards que l'on transmettra ce message.» Quant à Mihoub Mihoubi, ex-ministre de l'Education, il a déclaré : «Nous devons tous écrire et léguer la part de ce que nous savons, sur nos luttes, nos aspirations, nos succès et nos échecs. Il est aussi important d'interpeller notre mémoire en danger.» La réalisatrice Samira Hadjdjilani, qui prépare un feuilleton sur Aïssat Idir, a soulevé, pour sa part, l'importance de l'écriture de l'histoire par des spécialistes qui travailleront sur les témoignages de ceux qui l'ont vécue. S. A.