Une sorte de divorce s'est produite sur les marchés pétroliers, les prix de l'or noir se distanciant du marché. Explications : les cours se situent autour de soixante dollars, mais cela n'est pas dû à une amélioration de la demande d'énergie. C'est un fait. Et, il a été souligné, il y a quelques jours par l'Agence internationale de l'énergie, dans son rapport mensuel. Depuis plusieurs semaines, les experts pétroliers s'alarment d'un fossé, qui se creuse de jour en jour, entre les prix du pétrole qui ont vigoureusement progressé depuis début mars, jusqu'à dépasser ponctuellement soixante dollars mardi dernier, et l'état réel du marché. A leur tour, les grandes agences en charge de l'énergie ont posé cette semaine un diagnostic sans appel : non, la situation de la demande pétrolière ne s'est pas améliorée, comme la relative hausse des prix pourrait le suggérer. En ce qui concerne la demande de pétrole, la faiblesse des dernières données disponibles laisse penser qu'une reprise rapide reste hors d'atteinte pour le moment, a ainsi observé l'Agence internationale de l'énergie dans son rapport mensuel publié jeudi dernier. Se fondant sur les dernières prévisions du FMI qui prévoient, entre autres, une contraction du PIB mondial de 1,4% cette année, l'organisation a abaissé de 200 000 barils sa prévision de demande. Elle estime que la consommation d'or noir atteindra, en volume, 83,2 millions de barils par jour (mbj) sur l'année (contre 83,4 mbj dans son précédent rapport), soit une baisse de 2,6 mbj par rapport à 2008. Cette contraction de 3% sur un an est la plus importante depuis 1981. Et, c'est ce qui attise la crainte des pays producteurs de pétrole. Pour ne rien arranger, l'offre aurait, selon l'AIE, augmenté en avril de 230 000 barils par jour (b/j), à 83,6 mbj, excédant donc la demande, un relèvement auquel avaient, d'ailleurs, fait allusion des responsables de l'OPEP, ces derniers jours. Deux à trois pays membres de l'organisation pétrolière ne respectent pas les mesures de réduction engagées fin 2008, une attitude qui fait que le taux d'application des décisions de l'OPEP s'effrite. La discipline au sein de l'organisation fera l'objet de débats à l'occasion de la prochaine réunion prévue le 28 mai à Vienne. En volume, la production de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole a augmenté de 270 000 barils par jour en avril dernier, à 28,2 mbj, interrompant sept mois consécutifs de baisse, explique l'AIE dans son document. L'Organisation pétrolière avait réduit sa production de 4,2 mbj fin 2008. C'était au cours d'une conférence extraordinaire tenue à Oran. Prenant acte aussi de l'impact de la crise, l'OPEP avait abaissé de 20 000 b/j sa prévision de demande dans son rapport mensuel mercredi dernier. Plus optimiste malgré tout que l'AIE, l'Organisation des pays exportateurs de pétrole table, maintenant, sur une consommation mondiale de 84,03 mbj, contre 85,59 mbj en 2008, soit une contraction sur l'année de 1,57 mbj ou 1,8%. La révision la plus drastique avait été opérée, mardi dernier, par le gouvernement américain, selon des agences de presse. Se rapprochant du scénario de l'AIE, il a abaissé de 450'000 b/j sa prévision de demande, par le truchement de son Agence américaine sur l'énergie. Celle-ci voit, dorénavant, la demande reculer de 1,8 mbj cette année, à 83,67 mbj. Les attentes d'une hausse des prix en 2009-2010, en raison d'une future croissance économique, devront être tempérées par la réalité d'un surplus d'offre sur le marché, avait-elle donc prévenu. Le niveau des stocks pétroliers a continué, lui, de croître en avril, non seulement dans les entrepôts mais aussi dans les pétroliers utilisés comme réservoirs flottants. Les analystes de l'OPEP jugent que dans ce contexte de «détérioration persistante de la demande», la hausse des prix pétroliers constatée ces dernières semaines risque d'être de «courte durée». Ayant perdu le soutien des Bourses et du dollar, les prix ont, d'ailleurs, entamé un mouvement de repli. Le pétrole cotait environ 57 dollars, bien loin de ses records de l'été dernier, lorsqu'il avait défié les lois de la gravité en atteignant 147,50 dollars. Y. S.