Photo : Mohamed Medjahdi De notre correspondant à Tlemcen Mohamed Medjahdi Organisée par le bâtonnat de Tlemcen, la journée d'étude qu'a abritée hier la maison de la culture Abdelkader Alloula a été une occasion d'interpeller les pouvoirs publics sur ce phénomène qui ne cesse de prendre de l'ampleur à l'échelle nationale. En effet, les terres européennes font figure d'eldorado et nombreux sont ceux qui sont prêts à tout risquer pour bénéficier des avantages économiques et sociaux sous d'autres cieux. Les avocats présents ont déclaré qu'il s'agit d'un phénomène qui menace à plus d'un titre le pays, car il s'agit d'une véritable tragédie nationale. Les conférenciers ont soulevé le problème sur le plan anthropologique et selon la chari'a, et faute également d'une politique fiable. Dans ce sillage, Me Barka Mustapha dira que «la politique actuelle a failli à sa mission, devant l'évolution démographique et l'évolution économique sur tous les plans, ce qui a engendré chômage, déperdition scolaire, et diplômés à la rue». Le député et avocat Me Benhamou a martelé qu'il est temps de trouver les failles avant qu'il soit trop tard car la jeunesse est la clé de l'avenir du pays. Par ailleurs, Me Rahal Mohamed Seghir a longuement abordé le sujet sous une autre facette. Le harrag est-il coupable ou victime ? «Ce n'est pas mon rôle en qualité d'avocat d'analyser les causes de l'émigration clandestine mais d'appréhender les causes pour comprendre pourquoi on quitte son pays pour devenir étranger chez l'autre.» Le conférencier a donné comme exemple le revenu de l'Algérien qui est de l'ordre d'un dollar et demi, alors qu'outre-mer il est de 15 à 25 dollars, et que la moyenne mondiale est de 5,2. «Mais cette traversée a un coût proportionnel avec le caractère répressif des mesures prises par l'UE, et que désormais l'émigration est donc devenue un projet économique coûteux qui fait s'endetter les candidats à l'émigration et les pousse à accepter de travailler en Europe dans des conditions inhumaines». L'orateur s'est demandé si la Constitution algérienne accorde au citoyen le droit au travail, le droit au logement et le droit à la libre circulation, et pourquoi les jeunes ne peuvent pas bénéficier de ces droits constitutionnels. «Quelle politique préventive peut-on adopter ?» s'interroge-t-il, mettant l'accent sur le fait que le problème est d'essayer de convaincre les pouvoirs publics, et que ce phénomène ne doit pas être traité sous une optique répressive, estimant scandaleux de voir des jeunes, non repris de justice et traumatisés par la mort de leurs compagnons d'infortune et par une traversée infernale, jetés en prison. Me Rahal Mohamed Seghir a révélé qu'il s'agit beaucoup plus d'une crise morale que politique. «Il faut une politique et non une police de l'émigration.» Les intervenants ont également dénoncé les organisations mafieuses qui cherchent à faire fortune en faisant passer des jeunes dégoûtés par une société agressive. A la fin de cette journée, une série de recommandations ont été faites pour être transmises au gouvernement. Notons qu'une rencontre nationale sur le phénomène des harraga sera organisée incessamment à Alger.