Une véritable polémique s'est installée ces jours-ci entre le ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Communauté algérienne à l'étranger et le président de la Fondation pour la promotion de la santé et la recherche (Forem) sur le nombre d'enfants exerçant dans le secteur informel. Djamel Ould Abbes a, en effet, contesté l'enquête de la Forem qui fait état de près de 1,3 million d'enfants exploités sur le marché informel du travail, dont 300 000 dans des activités commerciales. La polémique a même fini par prendre l'allure d'une mise au point «musclée» de la part du ministre qui est allé jusqu'à évoquer des sanctions contre la Fondation «incriminée». Au-delà de l'intérêt qu'une telle évolution de cette «affaire» peut susciter, ou peut-être pas, celle-ci a le mérite de remettre sur le devant de l'actualité nationale un phénomène dont il reste encore à connaître les véritables proportions. Car ni le département de Ould Abbes ni la Fondation présidée par Mostefa Khiati, ni aucun autre organisme ne sont en mesure de rendre publiques des statistiques exactes et fiables sur l'ampleur du fléau dont les victimes se comptent autant parmi les adultes qu'au sein des enfants. Toutes les données avancées jusque-là de part et d'autre ne peuvent être qu'approximatives en raison de la difficulté de cerner une activité qui, par définition, suppose qu'elle échappe à tous les circuits existants de contrôle. Le besoin de s'en sortir et la prédisposition inouïe des Algériens à la débrouillardise font que la majorité des vendeurs à la sauvette, par exemple, échappent souvent aux descentes policières. Cette débrouillardise et l'habitude aidant, leur fait développer des réflexes insoupçonnés d'adaptation à toutes les situations, dont la hardiesse d'esquiver aux plus critiques. Un jeu de cache-cache est désespérément livré par les services de l'ordre pour dissuader les vendeurs à la criée et combattre ainsi mais c'est compter sans l'obstination de ces derniers à achever leur journée par une recette si maigre soit-elle, de leurs ventes. Et il suffit d'arpenter les rues, surtout les venelles les plus discrètes, des principales villes du pays pour se rendre compte de l'ampleur de ce fléau qui n'est pas sans nuire grandement à l'économie du pays, voire à son image de marque. Mais avant tout à ceux qui en sont les premières victimes, des «employés» qui triment à longueur de journée sans couverture sociale aucune et en encourant toutes sortes de risques tant ils s'exposent sans cesse au danger. L'absence de données précises sur la question est, par ailleurs, de nature à brouiller la visibilité de l'Etat quant à ses choix et perspectives économiques. Sans ces éléments, il serait peu évident pour un Etat de se projeter dans son avenir immédiat et de maîtriser ses principaux défis. Face à ses partenaires étrangers, il peut surtout paraître peu sérieux et affaibli par une situation qui lui échappe. C'est que l'activité informelle a gangrené tellement de secteurs qu'il devient malaisé de s'attaquer efficacement au mal dans sa globalité. Et tant que les poches de pauvreté et des inégalités sociales se multiplieront et se creuseront davantage, l'informel aura encore de beaux jours devant lui et s'y attaquer relèverait peut-être de l'idéal. M. C.