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Les avocats tentent de démonter les accusations
Affaire BNA : les plaidoiries ont commencé lundi dernier
Publié dans La Tribune le 24 - 06 - 2009

Après le réquisitoire du procureur de la République, les avocats de la trentaine d'inculpés dans l'affaire de dilapidation de 3 200 milliards de centimes de la BNA, se sont succédé toute la journée d'hier à la barre. C'est Me Bouraoui, avocat des commissaires aux comptes, qui a ouvert le bal des plaidoiries. Il a tenté de démonter le chef d'inculpation de négligence ayant causé un préjudice à la BNA pour lequel sont poursuivis ses clients en référence à l'article 119 bis du code pénal.
Il commence par expliquer le travail des commissaires aux comptes et insiste sur les recommandations que ces derniers ont mentionnées dans chacun de leurs rapports. Me Bouraoui fera également remarquer que c'est grâce à la lettre détaillée de ses clients, qui ont mentionné les détournements, que la demande d'extradition des principaux accusés du Maroc a été acceptée : «Au lieu de les remercier, ils sont traînés devant les tribunaux.» Il fera également remarquer au tribunal que l'inculpation de l'ex-PDG de la BNA est une preuve suffisante de l'innocence de ses clients : «Tous les documents établis par les commissaires aux comptes, où leurs recommandations sont consignées, ont été adressés au P-DG. Mieux, nous avons toutes les preuves que nous avons averti de l'absence d'un contrôle interne au niveau des agences.» Enfin, pour démontrer que ses clients n'ont pas failli, Me Bouraoui rappelle que «la direction générale de la BNA a recouru aux services du cabinet Ernest & Young qui a élaboré un rapport dans lequel on peut lire : «Comme le mentionne le rapport des commissaires aux comptes, si le contrôle interne existe, il n'est pas matérialisé.» Les avocats de Chikhi, l'ex-PDG de la BNA vont, quant à eux, s'attarder sur les réalisations de l'accusé durant les quatre années de sa gestion. Me Assoul fera remarquer au tribunal que, entre autres missions confiées à son client pour sa compétence, celle de faire partie de la délégation ayant négocié le rééchelonnement de la dette algérienne. «C'est le premier à avoir placé un agent de contrôle dans chaque agence. Mais que peut faire un P-DG, si compétent soit-il, quand les employés ne sont pas qualifiés et que le matériel est archaïque.» A ce sujet, l'avocat précisera que 500 agents de sécurité ont été promus comme employés de la banque. Revenant sur la responsabilité de son client dans le contrôle des comptes bancaires, le défenseur précisera que la «mère des banques» d'Algérie, la BNA, effectue 40 millions d'opérations par an et abrite 1 850 000 comptes. «Avant l'arrivée de Chikhi, seulement 10 000 opérations étaient contrôlées. Grâce aux réformes qu'il a introduites, ce chiffre a triplé. De l'aveu même des commissaires aux comptes, le système de contrôle bancaire en Algérie enregistre toujours six mois de retard sur le réel.» Les prérogatives de Chikhi sont citées au tribunal : «Appliquer la politique générale du ministère et coordonner entre les structures. Quand les canaux qui lui transmettent les informations ne signalent pas de dysfonctionnement, le P-DG ne peut pas être un devin.»
Les avocats mettent en avant l'absence de preuves
L'avocat de Nadir Mohamed, l'ex-inspecteur général de la BNA qui est également accusé de négligence, a développé pratiquement les mêmes arguments que ses confrères. Il a expliqué que les rapports que son client recevait de ses inspecteurs ne signalaient aucune anomalie. Il insistera cependant sur le témoignage de Reggabi, inspecteur régional de Blida, qui avait, rappelons-le, accusé Nadir Mohamed de l'avoir induit en erreur en lui demandant d'effecteur une inspection dans l'entreprise «Nature Plus» au lieu de «National A+». Ce témoin a également déclaré à l'instruction que son responsable avait une relation intime avec le principal accusé. A ce sujet, l'avocat de la défense remettra au tribunal un premier rapport du témoin Reggabi qui était le premier à avoir mentionné la société «National A+» avec la dénomination de «Nature +» et cela dans un rapport relatif aux démêlés avec la justice qu'a eus Achour Abderrahmane sur plainte de la BNA concernant son compte à Aïn Benian. Il remettra un deuxième document envoyé par le témoin Reggabi à son inspecteur général où il consigne, après une inspection dans l'agence de Bouzaréah, «RAS, autrement dit, il n'y a rien à signaler». Alors que le président était sur le point de donner la parole à d'autres avocats, Me Captain est pris d'un malaise. Souffrant de problèmes cardiaques, il a été victime également d'une hypoglycémie. Il est immédiatement évacué. La séance est suspendue pendant cinq minutes avant de reprendre avec Me Kaous pour le compte de l'ex-PDG de la BNA. Il tentera, comme sa consœur, de démonter l'accusation de «négligence apparente» en révélant que les opérations de dilapidation se sont poursuivies après son départ de la banque. «Mourad Chikhi a dirigé la banque du 1er janvier 2001 au 5 septembre 2005. Or, les détournements se sont poursuivis jusqu'au 30 octobre 2005.» Le défenseur de l'ex-inspecteur général, Mohamed Nadir, a expliqué que son client a été le premier à saisir le DRE (directeur du réseau d'exploitation) de Blida pour l'inspection des comptes de la société National +. Reggabi, c'est de lui qu'il s'agit, a transmis par la suite un rapport à la direction générale avant même que l'affaire n'éclate en ne mentionnant aucun dysfonctionnement.
«L'accusation d'association de malfaiteurs infondée»
Percutante, la plaidoirie de Me Chourar l'était à plus d'un titre. Défenseur de Zeddam Mohamed Amin, propriétaire d'une société et qui a donné procuration à Achour Abderrahmane pour la gestion du compte, il s'est dit étonné que le procureur ait pris «tout son temps pour requérir la lourde peine de 10 ans contre son client alors que celui-ci n'a eu droit qu'à 65 secondes pour se défendre». Il brandira un document signé le 27 mars 2003 par la directrice adjoint de l'agence BNA de Aïn Benian dans lequel elle atteste que le compte de la société Hala a été clôturé en février 2005 et qu'elle n'avait plus aucun engagement avec l'agence. C'est-à-dire qu'elle n'est ni débitrice ni créditrice. «De plus, poursuivra Me Chourar, le nom de mon client n'a jamais été cité dans ce procès. Ni par les accusés détenus ni par ceux qui comparaissent libres et encore moins par les témoins. Il n'a pas non plus été auditionné par la police judiciaire.» Abordant les effets juridiques de la procuration établie à Achour Abderrahmane, il dira qu'ils ne pouvaient en aucun cas s'appliquer à son client. Très pointilleux sur les points de droit, Me Chourar, qui se dit disciple de Me Miloud Brahimi, expliquera que le seul crime commis par son client est d'avoir un registre du commerce (la société n'est pas fictive) et d'avoir établi une procuration. Il conclut à l'adresse du tribunal : «Donnez- moi une seule preuve de l'implication de mon client dans le détournement ou dans la dilapidation et je me soumettrais au verdict.» La plaidoirie Me Ouali était tout aussi percutante.
Elle défendait le chauffer de Aïnouche, Mouaissi Mustapha, celui que le procureur général a qualifié lors de son réquisitoire d'homme de confiance de Aïnouche Rabah et contre lequel il a demandé une peine de 20 ans de prison pour, entre autres, association de malfaiteurs. Me Ouali dira que son client exerçait comme chauffeur dans la société de Abderrahmane Achour avant d'être muté dans celle que dirigeait Aïnouche.
«Un chauffeur exécute les ordres de son patron, et ce n'est pas nouveau. Il va là où il lui demande de se rendre, sans discuter les instructions. Où est
l'association de malfaiteurs là dedans ?» s'interroge l'avocate. L'encaissement des bons de caisse anonymes est loin d'être une infraction ou une illégalité, dira-t-elle encore avant de produire un document de la Banque d'Algérie sur ce sujet.
Mieux, «mon client n'est à aucun moment cité dans l'expertise qui aurait quand même pu déceler qu'il a bénéficié de quoi que ce soit en termes d'argent».
Elle demandera la relaxe pure et simple de son client. Ce fut alors au tour de l'avocat de Louati Malika, l'épouse de Aïnouche Rabah, de se présenter à la barre.
Il expliquera que sa cliente s'est présentée de son propre chef chez le juge d'instruction qui l'écoutera comme témoin avant de l'inculper. Il relèvera que le magistrat instructeur n'a pas respecté la procédure en matière d'audition des témoins.
Il tentera, avec pertinence, de démonter l'accusation d'association de malfaiteurs (le procureur a requis une peine de 10 ans de prison ferme contre elle) en disant qu'elle ne connaissait personne. Quand on lui a demandé si elle connaissait Achour Abderrahmane, elle a répondu qu'elle en avait entendu parler par son mari.
«Ma cliente ne possède aucun compte bancaire. Quant au visa commercial, c'était pour aller subir une intervention chirurgicale.» Et Me Lamouri de révéler au tribunal que Mme Louati était myope à 100%. «Après son audition par le tribunal, elle m'a demandé qui lui a posé le plus de questions, le président ou le représentant du ministère public.» Quant aux biens qu'elle est supposée détenir, il dira qu'il s'agit d'une villa de 48 m2 comprenant 4 pièces, aujourd'hui sous séquestre. «Si réellement son époux, que je défends également, manipulait autant de milliards, il ne se serait pas contenté d'une maison de 4 pièces.»
Quant à la carcasse de villa, «ma cliente a été franche en ne niant pas, mais elle a précisé qu'elle appartenait en réalité à son frère, en instance de divorce à l'époque, qui l'a mise à son nom pour que son épouse ne réclame pas le domicile conjugal». Et Me Lamouri d'ajouter : «Ma cliente n'a jamais eu de compte bancaire, pas plus qu'elle n'avait une quelconque intention criminelle, sinon elle aurait ouvert un compte et amassé les milliards supposés détournés par son mari.» Les plaidoiries se sont poursuivies hier soir. Elles devraient en principe s'achever aujourd'hui tard dans la soirée avant que le tribunal criminel ne se retire pour délibérer.
F. A./H. Y.


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