Photo : Zoheir Par Smaïl Boughazi Le marché du ciment connaît une «grande spéculation» de l'avis même du ministre de l'Industrie et des Investissements Abdelhamid Temmar. Depuis plusieurs mois, les fluctuations des prix de ce matériau n'ont pas cessé un instant. Il faut dire que la hausse effrénée des prix de ce matériau est devenue cyclique. L'année dernière, d'ailleurs, le gouvernement avait décidé d'importer un million de tonnes de ciment pour faire face à la pénurie qui menaçait alors de nombreux projets. Cette année, après une période tumultueuse, le gouvernement décide d'importer un million de tonnes de ciment. Les pouvoirs publics, cependant, relativisent. Temmar, lors d'une sortie sur le terrain, avait affirmé que notre pays «ne connaît pas de problème de production de ciment et que les usines fonctionnement normalement et approvisionnent le marché». Il a même assuré que «la production nationale de ciment couvre totalement les besoins des projets inscrits dans le programme du président de la République». Où est donc la faille ? Cette question a le mérite d'être posée. Les besoins sont colossaux, faut-il le souligner. Un million de logements dans les cinq prochaines années, plusieurs barrages, outre l'infrastructure routière et de base qui ne cesse de s'élargir, etc., sont au menu du, programme présidentiel. Somme toute, les besoins du pays en ciment sont considérables et en constante augmentation.Si la production est suffisante, Temmar a préféré plutôt mettre au box des accusés «la grande spéculation», laquelle menace, à grande échelle, tous les secteurs économiques, sans exception.Sur ce point aussi, faut-il le souligner, le gouvernement avait mis en place tout un dispositif rigoureux pour barrer la route aux spéculateurs. Pour lutter contre le commerce illégal, les pouvoirs publics avaient décidé, l'année dernière, de mettre un terme à cette spéculation par une panoplie de mesures. On peut citer, à titre indicatif, la mise en place d'un nouveau cahier des charges pour les entreprises, d'autres mesures pour les revendeurs grossistes. Un autre cahier des charges a été également mis en place pour la commercialisation du ciment en vrac. Les entreprises de transformation du ciment en matériaux de construction n'ont pas non plus échappé à la nouvelle réglementation.Bien que ces mesures soitent mises en application, force est de constater que la spéculation a refait surface quelques mois seulement après leur entrée en vigueur. Il semblerait qu'un travail de longue haleine attend les services du ministère du Commerce pour couper l'herbe sous le pied à ces spéculateurs de tous bords.En fait, il est de notoriété publique que le prix du sachet de ciment coûte 230 DA auprès des cimenteries publiques au moment où le privé le vend à 320 DA. Cette situation provoque, évidement, des tensions sur les cimenteries publiques, lesquelles procèdent, en outre, à des arrêts techniques, régulièrement. Des arrêts qui influent grandement sur la production. Pour en finir avec ces tensions, certains entrepreneurs proposent évidement l'unification des prix (public-privé). C'est peut-être une solution. Mais, étant donné que la demande du marché dépasse largement la production nationale, la solution ne viendrait sans l'ombre d'un doute que des investissements qui se font actuellement et l'extension de certaines cimenteries. Ces actions pourraient à terme porter la production nationale à plus de 18 millions de tonnes (pour le secteur public). Or, actuellement, celles-ci produisent près de 12 millions de tonnes et le privé ne contribue qu'à hauteur de 4 à 5 millions de tonnes.Pour le secteur public, le premier responsable du directoire de la SGP-Industrie des ciments, M. Mokhtar Aibeche, avait précisé dernièrement que des opérations d'extension des capacités de production ont été effectuées au niveau des cimenteries de Chlef, d'Aïn Kebira (Sétif) et de Beni Saf (Aïn Témouchent) pour une production supplémentaire de 6 millions de tonnes. Le groupe Sonatrach, lui aussi, est sur le point d'entamer la réalisation de sa troisième cimenterie d'une capacité de production qui devrait atteindre 1 million de tonnes par an, après Relizane et Béchar. Pour ce troisième projet, Sonatrach a choisi de s'associer à un groupe étranger. Un appel d'offres international a été lancé pour la construction de cette unité. Des groupes chinois, français, saoudien et suisse, ont, d'ores et déjà, présenté des offres techniques. Si l'Etat ambitionne d'augmenter la production du ciment, le secteur privé est déjà sur le point de terminer plusieurs investissements. Le groupe ASEC Algérie ambitionne, lui, de porter sa production à 5 millions de tonnes par an. Deux cimenteries détenues par cet investisseur sont en cours de réalisation. La première cimenterie est en réalisation à Djelfa. Elle coûtera 600 millions de dollars et aura une capacité de production de 3 millions de tonnes par an. Le deuxième investissement concerne l'extension d'une cimenterie à Oran. Sa capacité de production va atteindre 2 millions de tonnes, alors qu'elle est estimée actuellement à 800 000 tonnes par an. Le deuxième investisseur dans les cimenteries présent en Algérie est le groupe français Lafarge. Ce dernier avait acquis les deux cimenteries du groupe égyptien Orascom Cement Algérie, implantées l'une à M'sila et la seconde à Sig. Le groupe détient 35% du capital de la cimenterie de Meftah. Lafarge entend augmenter la production du ciment en Algérie. Pour la cimenterie de M'sila, Lafarge a affiché sa volonté de porter sa production à 7,5 millions de tonnes par an, et 5 millions de tonnes pour la deuxième. Quoi qu'on dise, le secteur cimentier en Algérie est en passe de devenir exportateur si l'on prend en considération tous ses investissements. Une certaine dynamique est visible actuellement dans ce créneau qui attire de plus en plus d'investisseurs. Reste, maintenant, à en finir avec la régulation du marché, un point toujours pendant. Les raisons sont à rechercher peut-être dans le circuit informel qui menace, outre mesure, d'autres créneaux.