Photo : S. Zoheir Par Smaïl Boughazi Quelques mois seulement après l'importation d'un million de tonnes de ciment, l'Algérie a décidé, encore une fois, d'importer une quantité plus importante de ce matériau de construction, soit 1,5 million de tonnes. En fait, le Groupe industriel des ciments d'Algérie (GICA) avait lancé récemment un avis d'appel d'offres international pour l'importation d'un million et demi de tonnes de ciment. Selon l'appel d'offres, 450 000 tonnes seront importées par Sodismac via le port d'Alger et 350 000 tonnes via le port d'Oran. Les ports de Béjaïa et de Annaba, quant à eux, accueilleront 350 000 tonnes chacun. Le recours à l'importation de ciment, ces dernières années, pourrait être justifié notamment par les nombreux projets lancés dans les différents programmes, mais il semblerait que la faille soit plus profonde. Les besoins du secteur du bâtiment s'avèrent plus importants que prévu et en constante augmentation. Les cimenteries publiques, ajoutées au secteur privé, n'arrivent pas à satisfaire toute la demande nationale, ce qui provoque un emballement des prix et même des tensions persistantes sur le marché. Pour rappel, face à cette situation, les pouvoirs publics avaient décidé récemment de lancer une série de projets d'extension de cimenteries publiques. Ce qui, à leurs yeux, augmenterait la production et, par ricochet, l'offre sur le marché. Cependant, avec ce nouvel appel d'offres, une chose est certaine : la production nationale est loin de répondre à tous les besoins, ce qui nous amène à dire tout simplement que l'investissement dans ce créneau est primordial d'autant que les sommes dépensées dans ces opérations d'importation pourraient être investies dans la réalisation de nouvelles cimenteries ou même l'accroissement des capacités de celles déjà existantes. En tout cas, c'est ce que pensent bon nombre d'observateurs, qui estiment que, outre les spéculateurs qui dictent leur loi, la faiblesse de la production nationale reste l'une des raisons principales de ces tensions cycliques. D'autres n'hésitent pas à ajouter au panier un autre élément qui a grandement influé sur les fondamentaux du marché, à savoir les auto-constructeurs dont la part est en constante hausse. Bien que les raisons ayant provoqué cette crise qui persiste, depuis plusieurs mois, soient multiples, certains professionnels du secteur ne mâchent pas leurs mots quant à la situation actuelle. L'absence d'une stratégie bien réfléchie dans le secteur cimentier demeure l'une des raisons de ce déséquilibre du marché. D'ailleurs, l'on estime que les opérations d'extension et de mise à niveau des cimenteries publiques, qui ont coûté 780 millions de dollars d'investissement, n'ont pu faire bouger les choses. La production locale demeure toujours insuffisante. Cette décision, affirme-t-on, n'aura pas d'effet immédiat tel que l'exige la situation actuelle et ce, pour la simple et unique raison que les investissements ne peuvent être opérationnels qu'à compter de 2012. Il est vrai que les pouvoirs publics ont mis en place tout un arsenal juridique pour juguler la spéculation et mettre un terme aux différentes pratiques frauduleuses perçues dans le secteur. Sur ce plan, citons notamment la mise en place d'un cahier de charges, d'un plafonnement des prix, mais également toute une batterie de mesures pour mieux réguler la distribution de ce matériau aux entreprises. Cependant, les résultats n'ont pas été à la hauteur des attentes puisque les prix sont restés à des niveaux inabordables. Pour revenir à cette opération d'importation, les professionnels du secteur avaient affirmé sans ambages qu'«il fallait revoir le timing de cette opération qui intervient en saison hivernale, marquée par la diminution des travaux de construction dans divers secteurs». D'autres insistent sur la qualité du produit qui sera importé et qu'il soit particulièrement conforme aux normes en vigueur. Pour le prix, certains professionnels avouent qu'il était plus élevé que celui du ciment produit en Algérie. Ils constatent en outre que les entrepreneurs sont contraints parfois de s'approvisionner sur le marché informel parce que «les unités de distribution de ciment n'honorent pas leurs engagements envers ces opérateurs en matière de distribution de ciment». Pour cela, on a préconisé «un contrôle rigoureux au niveau des unités de production de ciment pour lutter contre l'approvisionnement de spéculateurs qui ne sont pas concernés par les programmes de réalisation de projets». S'agissant du coût de l'opération, signalons qu'une tonne de ciment coûte actuellement au minimum 100 dollars. Ainsi, en plus d'un million de tonnes à réceptionner au cours de l'année en cours, on ajoutera 1,5 million de tonnes. Donc le payement se fera cette année et va coûter au total au moins 250 millions de dollars, précisent certaines sources. Globalement, il faut dire que l'importation de ciment pourrait avoir des effets positifs sur le marché, qui, une fois inondé par ce produit, sera régulé automatiquement en fonction de l'offre et de la demande. Toutefois, le recours à l'importation s'avère un coup fatal à la production nationale, laquelle tente, ces derniers mois, d'être à la hauteur de la demande nationale, notamment avec la nouvelle organisation décidée par le ministère de l'Industrie. Selon les spécialistes, la production nationale actuelle arrive à satisfaire une très bonne partie de la demande, estimée à environ 16 millions de tonnes. Pour les besoins du marché, toujours selon les statistiques, on avance le chiffre de 18 millions.