De notre envoyé spécial à Syrte Kamel Amghar La crise économique mondiale et le renchérissement spectaculaire des valeurs alimentaires sur les places boursières ont replacé l'agriculture au cœur des agendas en Afrique. En effet, les émeutes de la faim, qui avaient secoué de nombreux pays au cours de ces trois dernières années, ont rappelé aux dirigeants africains la triste situation dans laquelle se débattent des millions de leurs concitoyens. Selon les chiffres rendus publics par l'Organisation des Nations unies (ONU), plus de 265 millions d'Africains souffrent de famine. Ce chiffre a encore augmenté de 12% en 2008. En clair, un Africain sur trois est affecté par les crises alimentaires et la malnutrition. Cette statistique de la misère interpelle directement les gouvernements du continent noir à redresser au plus vite la filière agraire afin d'offrir à manger à leurs administrés. Après des décennies de sous-investissements et de politiques agricoles inadaptées, les pays de l'Union africaine (UA) se décident, enfin, à mettre le paquet pour en améliorer la production et la productivité. Les énormes potentialités du continent en la matière sont manifestement inexploitées. L'ONU souligne, à ce propos, que seulement 5% des terres sont irriguées en Afrique contre 40% en Asie, la moyenne mondiale étant de 20%. Un appel a été conséquemment lancé aux Etats africains à consacrer 10% de leurs budgets annuels à ce secteur vital. Actuellement, l'enveloppe agricole dans les Etats membres de l'UA tourne autour de 4,5% de leurs budgets nationaux. «Nous avons des terres arables, de l'eau en quantité et d'autres ressources encore. Nous devons investir dans l'agriculture pour la croissance économique et la sécurité alimentaire», insiste la commissaire de l'UA chargée de l'économie rurale et de l'agriculture, en soulignant que 80% de la population en Afrique vit de ce secteur mal en point. Intervenant au 13e sommet de l'UA qui vient de s'achever à Syrte (Libye), Mme Rhoda Peace Tumusiime exhorte les Etats de l'Union à encourager la production agricole dans le but de créer des emplois et de favoriser l'émergence d'un marché continental intégré des produits agricoles. «L'intégration régionale offre à l'Afrique l'occasion de concentrer et de capitaliser dans des domaines et des produits pour lesquels chaque région et/ou chaque pays détient un avantage comparatif et peut en bénéficier», explique-t-elle en ajoutant que cela permet aussi au continent de renforcer ses infrastructures tout en confortant l'environnement commercial. Dans les faits, il s'agit de convertir la facture des importations qui s'élève à 33 milliards de dollars en investissement au profit de l'agriculture. La sécurité alimentaire dépend, évidemment, de l'éradication de la pauvreté, c'est pourquoi il est indispensable d'aboutir à la hausse du produit national et à la revalorisation conséquente des revenus des ménages. Dans cet ordre d'idées, les chefs d'Etat africains, réunis début juillet en sommet à Syrte, se sont promis de réserver un suivi particulier au Programme détaillé du développement de l'agriculture en Afrique (PDDAA). Une initiative lancée par l'UA dans le cadre du NEPAD au sommet de Maputo (Mozambique), en 2003, dans la perspective d'une croissance impulsée par l'agriculture comme principale stratégie afin d'atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement et la réduction de la pauvreté (OMD) à l'horizon 2015. L'entreprise s'appuie sur un certain nombre de principes clés, notamment, «l'allocation de 10% des budgets nationaux au secteur agricole, la quête d'un taux de croissance sectoriel de 6% par an au niveau national, et l'exploitation des complémentarités régionales et sous-régionales, et la coopération pour relancer la croissance». Six ans plus tard, le bilan est plutôt mitigé. «L'agriculture ne bénéficie pas d'assez d'investissements, outre les barrières douanières qui vont à l'encontre de la compétitivité des produits africains au sein du continent et à l'échelle internationale», constate Erastus Mwencha en sa qualité de vice-président de l'Union africaine. Richard Mkandawire, conseiller en agriculture au NEPAD, estime lui aussi que «les tendances actuelles en ce qui concerne la production alimentaire montrent que certains pays africains ne pourront probablement pas réduire de manière significative la pauvreté et la malnutrition», même s'il reconnaît que des progrès significatifs ont été, toutefois, enregistrés dans d'autres pays. Les partenaires au développement de l'Afrique (UE, G8 et d'autres institutions multilatérales), présents à Syrte, ont réitéré leur engagement à fournir une assistance financière directe et une assistance technique pour le renforcement du PDDAA, indiquant, cependant, qu'il était nécessaire de voir des projets concrets pour initier des plans d'investissement susceptibles de répondre avec précision aux attentes des agriculteurs africains. Dans ce sillage, des fonds d'investissement pour l'agriculture en Afrique sont lancés par des promoteurs comme la Banque africaine de développement (BAD), le Fonds international pour le développement agricole (FIDA), l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et différentes autres institutions internationales d'aide au développement. Les pays africains sont appelés de toutes parts à affiner leurs politiques agricoles et à définir clairement leurs objectifs pour tirer réellement profit de toutes ces initiatives.