De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur Les médias français ont célébré à leur façon le 47ème anniversaire de l'indépendance de l'Algérie : remettre au goût du jour la thèse éculée selon laquelle l'armée algérienne a assassiné les moines trappistes de Tibhirine. Telle une déferlante envahissant les différentes formes de diffusion de l'information, les propos, appelés grossièrement des révélations, du général François Buchwalter contenus dans sa déposition du 25 juin devant le juge d'instruction antiterroriste Marc Trévidic attribuant à une «bavure» des forces aériennes de l'ANP la mort des moines ont été pris pour argent comptant. Sans le moindre recul, sans la moindre interrogation, la thèse d'un témoignage qui a mis 13 ans pour s'exprimer, est accréditée comme une vérité absolue. Me Patrick Baudouin, avocat de la partie civile dans une instruction ouverte en 2003, n'a eu ni réserve, ni retenue, ni doute pour trancher : «Nous allons demander à la France la levée du secret-défense sur les rapports de son attaché militaire et, à l'Algérie, la restitution des corps des moines. Ces propos démontrent que la raison d'Etat a prévalu dans ce dossier.» Et par un glissement sémantique… et politique, certains plateaux de télévision ont ressorti la fumeuse thèse de «qui tue qui ?».A-t-on vérifié la source d'information du général Buchwalter ? Celui-ci ne manipule-t-il pas ou n'a-t-il pas été manipulé ? Quel a été le rôle des relations entretenues à cette époque par l'ambassade de France à Alger avec le GIA ? Comment peut-on croire qu'un bivouac se laisse passivement mitrailler par des hélicoptères alors que ceux-ci sont entendus bien avant leur arrivée sur le lieu de l'action ? Si c'était le cas, comment se fait-il qu'aucun moine n'a eu la moindre balle sur le visage ou sur la tête ? Pourquoi ne donner aucun crédit à la revendication du massacre par le GIA ? Autant de questions restées dans le silence des arrière-salles de rédactions.Evidemment, la classe politique a été interpellée. Du président de la République, qui était à Evian pour un sommet franco-britannique, au Premier ministre de l'époque, Alain Juppé, tous affirmaient ne pas être au courant du rapport fait par le général Buchwalter et ont demandé de laisser la justice faire son travail. La réaction du ministre des Affaires étrangères de l'époque, Hervé de Charrette, a été, quant à elle, sans équivoque pour qualifier le témoignage de toutes les excitations de «énième version» d'une affaire qui revient périodiquement comme un serpent de mer. «J'ai entendu : ce sont des conflits internes entre les civils et les militaires algériens ; j'ai entendu : ce sont des règlements de compte menés par les services spéciaux algériens ; j'ai entendu : c'est une action du GIA, d'ailleurs c'était la version officielle ; puis on a dit : ah non, c'est une action du GIA mais menée par un groupe très spécial conduit par un dénommé Zitouni mais qui est manipulé par les autorités algériennes. Voici donc la quatrième ou cinquième version des faits», a déclaré l'ancien ministre avant d'indiquer n'avoir pas été informé à l'époque d'une possible bavure de l'armée algérienne et de préciser : «Je suis personnellement porté à m'en tenir à la version la plus pratique, celle qui s'appuie sur des faits, c'est-à-dire, le GIA a revendiqué ces événements, il a demandé en contrepartie des initiatives de la France, c'est-à-dire la libération d'Algériens détenus, ce que nous n'avons pas fait, il a menacé de les tuer et quand ils ont été découverts, il a déclaré que c'était lui-même qui l'avait fait. Donc c'est ça les faits, tout le reste, c'est des commentaires.» Le président Sarkozy est revenu sur cette affaire hier après-midi pour annoncer qu'il lèverait le secret-défense. Il a déclaré vouloir «la vérité», convaincu que «les relations entre les grands pays s'établissent sur la vérité et non sur le mensonge». «J'indique de la façon la plus claire, a-t-il ajouté, que, naturellement, je lèverai le secret-défense sur tout document que nous demandera la justice. Il n'y a pas d'autres façons de faire la vérité, aucune autre façon. La justice doit avoir tous les documents.»