Ce documentaire, signé conjointement par un Français et un Algérien, est le portrait d'un homme d'exception. «En Algérie, l'église n'a pas choisi d'être étrangère, mais algérienne». Cette citation du défunt cardinal Duval, prend tout son sens quand il s'agit de parler de la présence chrétienne en Algérie. Un documentaire, sur l'un des moines trappistes de Tibhirine, Célestin, vient de sortir en vidéo, nous rappelant le sacrifice humain et spirituel offert par cette communauté, qui a décidé de vivre dans une société qui n'est pas acquise à leur religion. Célestin Ringeard est l'un des sept moines assassinés par la horde sauvage du GIA en 1996. Ce documentaire retrace la vie de ce religieux à partir de son abondante correspondance (il écrivait plus de 400 lettres par an) depuis la Guerre de libération en 1958, jusqu'au cheminement spirituel qui l'a conduit à retourner en Algérie au monastère de Tibhirine. Ce documentaire, signé conjointement par un Français et un Algérien, Pierre Mathiote et Hocine Saâdi, est un portrait d'un homme d'exception dont le destin individuel rejoint celui collectif des moines de l'Atlas, associés malgré eux au drame islamo-islamique algérien. Le documentaire s'ouvre sur les confessions intimes de Célestin qui déclarait quelques jours avant son départ pour l'Algérie: «J'ai donné 50 ans de ma vie pour les pauvres, le reste je vais le donner à Dieu.» Ce document d'une excellente qualité technique débute sur la relation de fraternité entre Célestin et un Algérien durant les durs moments de la guerre. Ahmed Hallouz était membre de l'ALN, il est fait prisonnier dans un état critique. C'est Célestin qui se chargea de panser ses blessures et qui retarda son exécution jusqu'à l'indépendance. Entre les deux hommes est née une grande amitié, et Ahmed Hallouz a réussi à convaincre le soldat-prêtre de son juste combat. Les deux amis ne se sont plus revus depuis 1957. Après l'indépendance, ils entretiennent une correspondance régulière mais ne se rencontrent pas. Entre-temps, Célestin s'occupe des démunis des rejetés de la société. «Célestin c'était le Samu social avant l'heure», déclarait une de ses parentes, dans le reportage. «Il venait en aide à toute personne en réinsertion sociale. L'amitié était sacrée pour lui et il ne fréquentait que les gens paumés», ajoute-t-elle. C'est le suicide d'un de ses amis qui l'a plongé définitivement dans la prière spirituelle et le poussa à rejoindre le monastère des moines trappistes. Mais Célestin ne savait pas que son sacrifice serait associé au drame de tout un peuple. Quelques jours avant son départ définitif pour l'Algérie, Célestin déclarait: «Malgré les drames actuels, je vais rejoindre en septembre mes frères. On peut aller loin dans l'amitié quand on découvre les différences de l'autre et quelquefois, c'est une richesse.» Malgré les différences qui existent entre les musulmans et les chrétiens et les menaces pesantes des terroristes les moines ont décidé de rester au monastère de Tibhirine. Les sept moines trappistes payeront de leur vie leur amour du prochain, car leur mission n'était pas de semer les semences du christianisme dans une terre d'Islam, mais de favoriser le lien fraternel et l'aide du prochain. Le documentaire de Pierre Mathiote et Hocine Saâdi s'achève sur une note d'optimisme et de pardon, mais surtout sur les souhaits écrits par Célestin, découverts dans ses lettres entre 1958 et 1996 et repris avec une voix catholique et émouvante de Denis Bossulet. Au moment où on parle de dialogue entre civilisation musulmane et chrétienne, le souvenir de l'évêque d'Oran Mgr Pierre Claverie et de ses pères et soeurs emportés par la violence aveugle et querelleuse demeure aujourd'hui présent pour rappeler que malgré leurs différences spirituelles, la mort et la douleur demeurent la meilleure épreuve pour rapprocher les deux religions.