De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Si les incidences positives et l'apport de l'émigration sur l'économie locale en Kabylie ont évolué à travers les générations d'émigrés passant aléatoirement de la nécessité de survie des membres de la famille laissés au pays à la participation dans la construction de l'environnement social du pays d'origine, il est cependant difficile d'évaluer ses retombées économiques et sociales en l'absence de statistiques et vu la prépondérance de l'informel dans les pratiques commerciales dans toutes les sphères économiques. C'est d'ailleurs le secteur informel gangrenant toutes les économies algériennes qui profite le plus, sinon exclusivement, des transferts en devises de l'émigration vers le pays natal, de l'avis de spécialistes en économie. Selon des chiffres d'organismes officiels rendus publics récemment, il y a annuellement 4 millions d'euros qui sont transférés de la seule France vers l'Algérie, une somme dérisoire par rapport aux 10 milliards d'euros par an qui vont à l'ensemble des pays de l'Afrique du Nord. La très mauvaise place occupée par l'Algérie dans ce domaine, comparativement au Maroc ou à la Tunisie, trouve ses explications importantes dans la destruction et la faiblesse des réseaux économiques et financiers légaux et surtout la gabegie qui règle la gestion du secteur du tourisme. Une situation qui a des répercussions négatives sur les transferts de la communauté kabyle représentée par plusieurs milliers (plus d'un million, incluant les Français d'origine kabyle, selon une association kabyle de France) de migrants rien qu'en France. Une situation qui dure et qui prive une région aux fortes traditions d'émigration d'une manne financière capable de lancer son développement que les autorités à tous les niveaux retardent ou qu'elles échouent à sortir de la simple étape théorique depuis plusieurs décennies. La communauté kabyle établie à l'étranger n'a pas fait l'objet d'un intérêt digne de ses sacrifices et opportunités de la part des pouvoirs publics qui lui resservent une attention éphémère et superficielle en période d'élections. Le traitement par ces mêmes pouvoirs de la question des sans-papiers algériens retenus dans des centres spécialisés ou vivant au noir en France donne une idée plus précise du mépris officiel vis-à-vis de cette communauté. Des pays dont la communauté est presque insignifiante en France ont arraché des accords bilatéraux et des avantages intéressants en faveur de leur émigration. «A lui seul, le coût exorbitant du billet d'avion et ces derniers temps même le voyage par bateau suffit pour nous décourager de nous intéresser au pays de nos ancêtres, je pense que le pouvoir nous prend pour des envahisseurs qui viennent en été piller le pays ; rien que si nous ne fermons pas les yeux sur le comportement de certains agents à l'aéroport d'Alger, nous ne remettrons jamais les pieds ici, mais nous aimons toujours ce pays, c'est le nôtre, nous n'avons pas le choix», regrette Ferhat, un Kabyle qui vit à Paris depuis 1989. Son témoignage n'est pas divergent de beaucoup d'autres comme lui auxquels les autorités ne donnent pas la chance d'investir leur épargne au pays faute d'un climat d'affaires adéquat. Si l'on pouvait multiplier et améliorer la qualité des virées estivales des émigrés en Kabylie, on pourrait se rendre compte des bienfaits pour l'économie locale de cette communauté qui reste malgré tout attachée au pays. Les commerçants de beaucoup de localités de Kabylie à forte particularité migratoire se frottent les mains à l'arrivée en été des émigrés qui dépensent une partie de leurs économies annuelles. Les commerçants réalisent en deux mois des bénéfices qu'ils n'atteignent pas sur plusieurs mois le reste de l'année. En effet, en plus des effets saisonniers et des fêtes de mariage et autres cérémonies qui font la joie des petits commerces locaux, il existe une «solution bon marché» que les émigrés sollicitent depuis surtout la propagation des effets négatifs de la récession économique mondiale qui a accentué les difficultés habituelles : on achète beaucoup d'articles dans les commerces locaux pour les emporter en France à la fin des vacances. C'est, bien sûr la différence dans le prix de revient qui pousse beaucoup d'émigrés à se procurer ce qui coûte beaucoup plus cher à l'étranger, au grand bonheur des marchands locaux. Les émigrés ont-ils de cette façon participé à l'essor de l'économie locale ou bien s'agit-il d'une inflation saisonnière qui aggrave beaucoup plus la situation économique du pays ? Les intentions des émigrés demeurent objectives et sont même généreuses quand on les voit s'investir dans la réalisation de projets d'utilité publique mais chacune des parties pourrait tirer mieux profit s'il y avait une véritable politique de l'émigration.