Photo : S. Zoheir Par Hassan Gherab Tout est prêt pour la fête : la scène, les artistes, et le public, fidèle au rendez-vous, n'attend que le coup de feu. En fait de coup de feu, ce sera des coups de tambour de l'orchestre qui ouvre le spectacle de ce dimanche soir sur l'esplanade de Riadh El Feth. Un instrument à cordes ressemblant à un imzad, un kamba nane (qui veut dire 8 cordes), une flûte et les percussions suffisent pour accompagner les 10 danseurs (5 femmes et 5 hommes). En tenues traditionnelles, la troupe venue du Kenya, dans le cadre du 2ème Festival panafricain (Panaf 2009) qu'accueille et organise l'Algérie, présentera des danses rituelles de leur pays. La chorégraphie comme les figures sont basales. Tout est dans l'expression corporelle, même si on ne comprend pas à quel rituel correspond chaque danse. Ni les organisateurs ni les troupes ne se donnent la peine de présenter les danses exécutées. Il aura fallu l'aide d'un journaliste kényan pour qu'on comprenne que la danse qu'on était en train de voir était exécutée quand le pays traversait une période de famine. Evidemment, le public ne percevait que le côté festif. Et chaque danse était un cours pour de nombreux jeunes qui essayaient de copier les figures, avec l'aide de spectateurs africains. Après le tableau final, la troupe kényane cédera la place à Joe Batoury avec son goumbri électrisé, qui électrise aussi la scène. Le son grave de cet instrument à cordes d'origine africaine est accompagné d'une batterie, d'une guitare électrique et de deux karkabous, qu'il couvre aisément, sauf la caisse claire que le batteur sollicite avec force. Les chansons que Joe Batoury interprétera s'inscrivent toutes dans le genre gnaoui qui, comme la world music avant lui, est devenu un «fourre-tout» musical. Il suffit d'aligner deux ou trois karkabous, une percussion forte, un goumbri, un peu de texte avec quelques référents religieux et le tour est joué, on devient gnaoui. Joe Batoury et son goumbri dominent la scène. Ils vampirisent le reste du groupe. Les baguettes du batteur se contentent de battre le rythme alors que la guitare, hésitante et timide, marque à peine sa présence avec quelques battements. Pas le moindre roulement, pas l'ombre d'un solo, mais la faiblesse du groupe n'a pas empêché les spectateurs de s'amuser. Indéniablement, Joe Batoury a son public, qui aime sa musique et apprécie sa manière de jouer. Il sera d'ailleurs chaleureusement applaudi quand il quittera la scène pour laisser la place au clou de la soirée : Ismaël Lo du Sénégal. Son entrée est annoncée par un chœur qui s'improvise parmi des spectateurs vraisemblablement sénégalais. Et quand celui qu'on surnomme Izo Lo entre avec sa guitare en bandoulière, c'est l'explosion de joie. Il y répond par un «salam alaïkoum». Le départ est en reggae, avec une section basse très forte. Le public est acquis et s'il ne l'était pas est conquis. Le chanteur enchaîne les titres en y incrustant d'admirables petits solos de guitare, de djembé et de basse à cinq cordes. La musique aux sonorités africaines emprunte beaucoup aux rythmes reggae. Izo Lo emmène le public et il sème la fête en maintenant un rythme entraînant, même quand il chantera l'amour, avec harmonica et guitare. Mais il saura marquer une pose en restant seul sur la scène pour un solo harmonica-guitare du tonnerre, avant d'enchaîner avec «une chanson pour la paix». «Je prie pour la paix, en Afrique et dans le monde, pour que les enfants grandissent dans un monde d'amour, de paix, de liberté et de justice», dira Ismaël Lo. De belles paroles, de beaux solos et une belle voix chantent l'espoir que dans cette Afrique se taisent les armes, se brisent les machettes et que les hommes arrêtent de s'entretuer pour qu'un jour les enfants puissent dormir et se réveiller, prendre leur petit déjeuner, aller à l'école et jouer comme tous les enfants du monde libre… La chanson impose la pondération, mais pour longtemps. Il y a une demande du public : Dibi dibi. Des jeunes, auxquels des Sénégalais ont soufflé le titre, portent la demande jusqu'à Ismaël Lo qui tend les oreilles. Il répond à la demande. Mieux, en totale communion avec son public, il lui fait reprendre le refrain en chœur et le fait danser. Il passe le micro au joueur de synthétiseur et prend sa place, le laissant maintenir le rythme pendant que le bassiste fait un beau solo en slap. On arrive à la fin du spectacle. Ismaël Lo et son groupe saluent le public qui en redemande, mais tout a une fin. Les musiciens quittent la scène sous les hourras et les applaudissements de toute une esplanade couverte de monde. Derrière la scène, à la descente des marches, nous abordons Ismaël Lo, qui, malgré la fatigue, consent à répondre à nos questions. «Que pensez-vous de ce festival ?» demandons-nous. «Je suis charmé par la tenue de ce festival et content de voir regrouper toute la diaspora africaine. A ce propos, je tiens à saluer le travail et les efforts de l'Algérie et du gouvernement algérien, avec à leur tête le président Bouteflika évidemment. Tous les moyens nous ont été fournis», répond Izo Lo. Quant à ses attentes, il dira : «On n'a rien à envier aux festivals qui sont organisés dans le monde. Je souhaite que le Panaf arrive à la 200ème édition […]». «La musique est le meilleur moyen de promouvoir la paix entre les peuples. Notre avenir est entre nos mains», conclut-il en direction des politiques et gouvernants africains.