Photo : Sahel De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati La seconde édition du Festival culturel panafricain d'Alger, qui se déroule du 5 au 20 juillet en cours, ne se tient pas seulement à Alger, mais aussi dans certaines wilayas du pays comme Tizi Ouzou. Dans cette dernière, la manifestation culturelle continentale a été combinée avec la quatrième édition du Festival arabo-africain de danses folkloriques. Une fusion qui a prolongé le nombre de soirées animées au stade Oukil Ramdane au grand bonheur du public de la ville et même des localités voisines qui trouve l'occasion de sortir un peu le soir et de fuir la routine quotidienne. Pratiquement, tous ont salué la programmation des festivités du Panaf dans la ville des Genêts. L'argument principal présenté par les personnes interrogées à Tizi Ouzou reste cette «envie de respirer un peu et de sortir du stress de tous les jours imposé par la morosité qui caractérise les soirées tizi-ouziennes». Effectivement, cela fait des années que les habitants de Tizi Ouzou attendent une manifestation de ce genre. Des spectacles en soirée qui feront retrouver les anciennes habitudes des populations qui se ruaient depuis longtemps vers le stade du 1er Novembre de la ville pour assister au Festival international (puis national à cause du terrorisme) de chants et de danses populaires, aujourd'hui transféré à Sidi Bel Abbès. Ces spectacles présentés en soirée, avec une partie réservée aux danses folkloriques et une seconde aux galas artistiques animés par des artistes de renom, tombent au bon moment aux yeux de nombreux habitants de la région, surtout ceux qui n'ont pas les moyens de s'offrir des vacances ou même des spectacles à leurs familles en ces temps de chômage et de salaires misérables. «Avec 7 000 dinars par mois comme salaire, je nourris difficilement ma femme et mes deux enfants. Comment voulez-vous que je leur offre des moments de détente ? Ce festival est une bouffée d'oxygène pour ma femme et mes enfants», dit Ahmed avec une certaine amertume, lui qui n'arrive toujours pas à trouver un emploi stable et qui se réjouit d'assister à des spectacles gratuitement. Il dit qu'il n'oubliera jamais le regard de sa femme quand il lui a annoncé qu'il allait l'accompagner avec les enfants au stade pour voir Aït Menguellet sur scène. «Vous savez, quand je lui ai demandé de se préparer pour aller en famille au festival, elle a eu une réaction bizarre. C'est le silence et un regard perçant de lumière. J'ai vite baissé la tête pour sortir sans ajouter un mot», affirme encore ce technicien en informatique qui a avoué qu'il était sorti pour que sa femme et ses enfants ne le voient pas verser des larmes. Beaucoup de gens partagent le même sentiment même s'ils n'osent pas l'affirmer en public alors que d'autres disent s'être réjouis de voir au programme certains grands noms de la musique qui se produisent à Tizi Ouzou pour la première fois, à l'image de Safy Boutella, Ismaelo et Salif Keïta et même des inconnus qui ont présenté des spectacles de jazz, de rock et de pop sous tous leurs aspects, tels les groupes franco-algérien Sorif, congolais «Bana Poto Poto» et algérien Contrast ou la chanteuse éthiopienne Minyeshu. Pour Salim, un jeune de 21 ans, assister à un concert de jazz de Safy Boutella est un rêve qui s'est réalisé grâce au Festival culturel panafricain qui l'a programmé dans la ville des Genêts. «Quand j'ai su que Safy Boutella était programmé, j'ai sauté de joie. C'est un monstre de la musique et le voir sur scène a toujours été mon rêve», dit-il non sans reconnaître que le reste du festival ne l'intéressait pas, «à l'exception peut-être de Salif Keïta que j'aimerais aller découvrir au stade Oukil Ramdane » et d'ajouter, comme par «correction», qu'il n'a pas regretté d'avoir assisté au spectacle du groupe du Congo (Brazzaville) Bana Poto Poto «qui n'était pas mal». Mais, les plus ravis de ce festival restent, bien entendu et sans aucune surprise, les femmes pour qui ce festival est une sorte de rupture avec le quotidien morose en vigueur à Tizi Ouzou et ses environs. «C'est toujours la même chose», dit Malika, une enseignante d'anglais qui cite pêle-mêle la cuisine, le ménage, le linge, les enfants qualifiés de «routine tuante». Pour elle, ce festival est «une bouffée d'oxygène pour toutes les femmes de la wilaya de Tizi Ouzou qui souffrent de cette morosité ambiante et permanente». «Croyez-moi, toutes les femmes voudront y aller mais toutes les femmes ne pourront pas faire le déplacement pour différentes raisons», dit Malika qui affirme qu'elle n'a raté aucune soirée de ce festival qu'elle rejoint avec son mari et ses enfants et, parfois, avec d'autres membres de la famille et des voisines. Il est vrai que, depuis le début du festival, avec le spectacle de Safy Boutella, ce sont des centaines de familles qui se ruent vers le stade Oukil Ramdane de Tizi Ouzou et, parfois, sans connaître le contenu du programme de la soirée. C'est dire que cette quête d'une occasion de casser la monotonie a trouvé une véritable aubaine avec le festival pour des centaines de femmes de la région de Tizi Ouzou.