Photo : Hacène Par Sihem Ammour Samedi soir, dès 21 h, un public composé essentiellement de familles commence à affluer vers l'auditorium Fadhela Dziria de l'Institut national supérieur de musique (INSM) à Bab El Oued, pour assister à une soirée marquée d'une pléiade de tempos africains. Une heure plus tard, la scène s'enflamme avec la dizaine de virils danseurs sud-africains du groupe «Ghuna Boots». Certains étaient vêtus d'un bleu de travail de plombier et d'autres d'un pantalon bleu et d'un marcel noir aux couleurs du drapeau africain. Ils avaient fière allure, convaincus de captiver le public algérien par leur prestation. Ils entamèrent une série de chorégraphies marquées par la cadence des tintements des éperons sertis à leurs boots. Il a suffi de quelques minutes pour que jeunes, vieux, femmes et enfants adhèrent à la magie de cette danse qu'ils accompagnent en tapant la mesure avec leurs applaudissements. Une véritable symbiose est créée et les artistes redoublent d'ingéniosité, gratifiant les présents de véritables prouesses avec leur corps. Au final, c'est un tonnerre d'applaudissements qui accompagne la sortie de scène des «Ghuna Boots». Puis, ce déferlement d'énergie céda la place à la douceur de la voix féminine de la chanteuse Xinha Faustino de Sao Tomé et Principe. Accompagnée d'un groupe de six jeunes danseuses en jupette rose à petits pois blancs et de deux danseurs, elle entame un récital de plusieurs chansons modernes en langue créole valsant entre les rythmes lancinants et plus festifs. Elle explique qu'à travers ses chansons elle exprime différents thèmes : sentimentaux, sociaux et politiques. Dans la chanson Brazzio, elle clame le désir de découvrir d'autres horizons lointains, en l'occurrence le Brésil, pour une vie meilleure. Dans sa chanson Glapon, qui est un succulent poisson de Sao Tomé, elle vante la beauté de sa terre natale et la nécessité de la préserver. Dans une autre, sur des rythmes poignants, elle dédie une ode à la mère et à la terre nourricières. Les spectateurs, séduits, acclameront très fort la chanteuse qui leur déclare : «Je partirai en gardant l'Algérie dans mon cœur.» Les notes attendrissantes étaient toujours présentes sur scène avec les deux artistes angolais qui ont animé la dernière partie de cette soirée. Anterro Ekuikui et Guillaume Mauricio du «Duo Canhotto», qui veut dire les deux gauchers. La particularité de ces deux guitaristes chanteurs est de gratter les cordes du côté gauche, ce qui donne une tonalité particulière à leur musique. Les deux artistes se sont rencontrés pour la première fois en 1984 et, depuis, ils ont participé à plusieurs festivals internationaux. Leur répertoire est puisé dans le patrimoine oral angolais, qu'ils ont choisi d'adapter à des compositions musicales afin de le préserver et de le transmettre à la nouvelle génération. «Duo Canhotto» a ému l'assistance avec près d'une dizaine de chansons chantées en langues umbundu et kimbundu et en portugais. L'umbundu est le dialecte parlé dans le sud de l'Angola et le kimbundu dans le Nord. Ces deux régions ont été longtemps victimes de guerres fratricides. La chanson Omboio, qui signifie wagon de train, invite toute l'Afrique à s'unir. Ainsi, nul ne peut arrêter plusieurs wagons reliés entre eux dans leur chemin vers la réussite, mais un wagon isolé peut être facilement stoppé. Moralité, il faut que toute l'Afrique s'unisse pour embarquer dans le train de la réussite. Dans la chanson Tata Kumatadi, les deux Angolais expriment la détresse d'une mère dont le mari est emprisonné. Elle est obligée de travailler au champ pour nourrir ses enfants qui ne cessent de réclamer sa présence. Les autres chansons sont également dédiées à l'esprit de fraternité entre les peuples, à la paix et à un futur plus souriant. Il était minuit passé lorsque les dernières tonalités résonnèrent. Les familles saluèrent les artistes angolais par une standing ovation.