De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar L'été venu, le thème de la pollution du littoral algérien revient, presque immanquablement, sur le devant de l'actualité. De fâcheuses contaminations dermiques et autres, signalées ici et là, troublent à chaque fois «la quiétude» des estivants. La qualité des eaux de baignade se trouve automatiquement mise en doute, et les rumeurs les plus folles se saisissent, naturellement, des vacanciers. Après la côte algéroise, il y a quelques années, c'est au tour d'Aïn Témouchent et de Boumerdès de défrayer, cette année, la chronique estivale. La presse parle de près de 400 personnes affectées dans ces deux wilayas, et évoque la similitude des symptômes relevés sur les malades : toux, gêne respiratoire et allergie oculaire. Ces informations relancent, comme d'habitude, le débat sur la pollution maritime, l'insalubrité des plages, le manque d'hygiène dans les lieux communs comme les restaurants, les cafés, les toilettes et les douches publiques. Dans la wilaya de Béjaïa, où l'on n'avait jamais enregistré ce genre d'incidents, les gens s'interrogent, toutefois, sur la «potabilité» des eaux de mer, et les risques encourus à y piquer une tête. En premier lieu, on se pose la question sur la possibilité supposée de dégazage des bateaux au large des côtes algériennes. Même si aucun délit de cette nature n'a été établi, à ce jour, la vox populi estime généralement que le domaine maritime national n'est pas suffisamment prémuni contre ce risque. Les simulations organisées régulièrement par la Protection civile, les gardes-côtes et les personnels du port pétrolier pour se préparer à un éventuel péril de cette nature, ne semblent pas convaincre le simple citoyen. Cependant, le risque majeur qui guette en ce moment la côte béjaouie réside dans les déchets produits localement. Les statistiques parlent de 42 000 tonnes de résidus industriels produits annuellement par plus d'une quarantaine d'usines implantées à travers la wilaya. Les ménages, quant à eux, génèrent quotidiennement plus de 450 tonnes d'ordures. Faute d'une industrie de recyclage et en l'absence de dispositif de traitement, ce gigantesque volume de détritus est jeté dans des décharges non contrôlées. Les principaux cours d'eau de la région en reçoivent la plus grosse quantité. Les oueds, fortement pollués, drainent naturellement toutes ces saletés vers la mer. Les eaux usées constituent aussi une source préoccupante de pollution. L'oued Soummam reçoit quotidiennement quelque 35 000 m3 de rejets liquides chargés en produits polluants. Les rivières de la région du Sahel déversent, à leur tour, près de 5 000 m3 d'eaux usées directement dans le milieu marin. A défaut d'entretien, les bassins de décantation -installés au niveau des stations-service, des huileries, des cités d'habitation et des petites entreprises- débordent pour rejeter leur contenu nauséabond sans aucune autre forme de traitement dans la nature. Il convient de souligner, néanmoins, que les autorités locales commencent à prendre en charge cet épineux problème. Réhabilitation de stations d'épuration existantes, rénovation des réseaux d'assainissement et imposition des activités polluantes, voilà quelques initiatives qui sont déjà prises pour remédier à cette situation. L'Office national de l'assainissement a sensiblement amélioré la collecte des eaux usées. Un centre d'enfouissement technique des ordures ménagères est en voie de lancement à la périphérie ouest du chef-lieu de wilaya. Les résultats de cette politique sont encourageants. Les industriels privés commencent, également, à prendre conscience des questions environnementales. Nombre d'entre eux se sont déjà dotés de dispositifs divers pour réduire la toxicité de leurs rejets liquides. Au début de la saison estivale, les tests effectués par la direction de la santé au niveau des 34 plages ouvertes à la baignade se sont révélés concluants. L'eau est bonne pour la baignade. Aucun souci n'a été relevé à ce sujet. Cela devrait inciter les pouvoirs publics à persévérer dans cette voie pour prévenir des catastrophes dont l'impact serait extrêmement lourd pour l'environnement et la santé publique.