De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar On parle beaucoup du secteur informel. La question, jugée très préjudiciable pour l'économie nationale, occupe la une depuis des décennies déjà. Cependant, on ne semble pas faire grand-chose pour en limiter l'ampleur et prévenir les dégâts. Le gouvernement, les entrepreneurs, les commerçants, les organisations socioprofessionnelles et les représentants des consommateurs ne cessent de tirer la sonette d'alarme, mais en vain. Le marché noir prospère toujours. c'est durant l'été, saison consacrée à la débrouillardise, que l'économie parallèle est habituellement à son apogée. De puissants réseaux de vente de produits divers, de recel ou de location en tout genre se développent, notamment dans les régions côtières où d'importants flux de vacanciers sont enregistrés annuellement. L'alimentaire, l'artisanat, le textile, l'immobilier ou les loisirs, chacun va de son petit négoce, au bonheur des gros bonnets de la contrefaçon, de la contrebande et de l'évasion fiscale. Malgré toutes les professions de foi qu'on réitère en pareilles occasions, les choses continuent d'aller du même train. L'exemple du marché immobilier, excessivement cher en Algérie, draine alors beaucoup de valeurs, qui échappent aux services des impôts. Louer un appartement, ou juste un tout petit studio, constitue une véritable gageure pour beaucoup d'Algériens. La demande, en croissance saisonnière vertigineuse, donne des idées folles à des milliers d'affairistes qui se lancent dans ce filon doré des transactions immobilières. Des spéculateurs et des arnaqueurs, il y en a de trop dans ce créneau juteux. Le métier d'agent immobilier, très convoité, dans la mesure où aucune qualification professionnelle n'est exigée, génère immanquablement de gros gains. Le patrimoine public de logement social locatif ou celui subventionné -communément appelé social participatif- est quasiment mis en sous-location par le truchement de ces agences immobilières qui ne déclarent pas ce genre de transactions pour bien se sucrer sur le dos des locataires. En raison de son offre restreinte, le marché locatif national est fortement gangrené. Ce n'est un secret pour personne. Le ministère de l'Habitat a reconnu, maintes fois, cette réalité en soulignant toute la difficulté rencontrée pour instaurer une quelconque régulation. A défaut d'instaurer l'ordre tant souhaité, les autorités se promettent -presque sans conviction- de mieux former les agents immobiliers, de contrôler rigoureusement leurs activités et de lutter contre la fraude fiscale à travers une application consciencieuse des dispositions réglementaires. Une maigre consolation pour les clients. L'alimentaire n'échappe pas, non plus, à l'anarchie. De véritables souks de produits agricoles sont également tenus aux abords des grands axes routiers. Fruits, légumes, huiles, boissons gazeuses, sardines, pain et pâtes alimentaires sont vendus aux usagers sans autorisation ni contrôle d'aucune nature. Les campeurs et les passagers s'y approvisionnent à leurs risques et périls. Ni le fisc ni les services d'hygiène ne semblent en mesure d'inspecter, ou même de recenser, toutes les aires «improvisées» à cet effet. Les produits de l'artisanat, les tissus et les jouets se vendent de la même manière. Shorts, bikinis, serviettes, bermudas, pantacourts et chemisettes se mélangent dans le désordre aux poteries, aux joujoux chinois et aux bijoux de fantaisie sur des étals de fortune. Les enfants, en période de vacances scolaires, constituent une main-d'œuvre bien motivée pour écouler des tonnes de marchandises à même les plages ou à travers les routes et les allées ombragées des villes. L'exploitation des enfants dans ce genre d'activités s'est dramatiquement généralisée au cours de ces dernières années. On s'improvise également organisateur d'excursions, gardien de parking ou DJ sur des espaces mitoyens aux plages les plus fréquentées. Le nerf de la guerre, c'est évidemment l'argent, rien que l'argent. Les garages, les débarras et les vieilles masures sont valorisés pour la circonstance. Même la zone rurale n'échappe pas à cette fièvre mercantile. En plus du manque à gagner en matière de fiscalité, la prolifération de ces commerces sauvages est porteuse de gros dangers. Concurrence déloyale -les commerçants inscrits au registre du commerce s'en plaignent à chaque fois-, risque sur la santé publique et élargissement de la sphère informelle. A défaut de décision courageuse, ce laisser-aller peut s'avérer autrement plus dangereux en ces temps incertains où le degré d'alerte contre la fièvre porcine monte chaque jour. Il faut absolument mettre un peu d'ordre dans ce répugnant bazar à ciel ouvert avant de partir en vacances.