Photo : Riad De notre correspondant à Constantine A. Lemili Les lampions se sont éteints sur le Festival panafricain. A Constantine, certainement autant qu'ailleurs, le vide va être ressenti. Est-il besoin de souligner en effet que ce tohu-bohu particulier créé par la décentralisation des manifestations a quand même permis de tirer d'une grande torpeur bien des villes devenues à la longue de simples hameaux en raison de leur apathie par rapport à la chose culturelle et artistique. Pour la ville de Malek Haddad qui aura été en son temps le maître de cérémonie du premier Panaf, il est une certitude : pour cette année le «fameux» théâtre de Verdure a quelque peu amorti dans une infime partie l'investissement consacré à un lieu qui, jusque-là, n'a servi qu'à donner un meilleur aspect à l'endroit où il est implanté. Les organisateurs n'ont pas été toutefois à la hauteur, comme pourrait en témoigner le ratage de la première soirée dû à des techniciens qui se sont emmêlés les pinceaux entre branchement des câbles d'alimentation électrique et de sonorisation, décalant la soirée et forcément incitant les gens à rentrer chez eux. Plusieurs de nos confrères, à partir de ce désordre, ont pris la résolution de ne pas couvrir la suite des manifestations artistiques autrement qu'en spectateurs si tel était le cas. Quels dividendes ont tiré les habitants des soirées festives ? Dans leur globalité, les réponses sont mitigées. Il y a celle d'un médecin réputé sur la place publique qui consiste à «désespérer d'un immense gâchis et de l'engloutissement, à en croire ce qui se dit dans les journaux, de près de six cents milliards de centimes qui, à mon avis, auraient pu être autrement fructifiés qu'à organiser une monstrueuse fête dont plus personne n'assurera le relais à moins que notre pays ne décide encore une fois quarante plus tard de jouer les fêtards de service».Pour un jeune banlieusard qui n'y a jamais été et pour cause de difficultés à trouver dans des conditions «basiques» les moyens (transport) de faire le trajet, la langue de bois a vite servi d'argument béton : «Oui je trouve que c'est formidable, ça aide à faire connaître la ville à nos frères africains qui se feront sans doute les ambassadeurs auprès de leurs compatriotes. Si cela se réalise, le tourisme va être boosté.» Il est clair que notre interlocuteur donne l'impression d'avoir été exhumé de la décennie 60/70 dans la mesure où il ignore qu'en réalité le tourisme local n'a aucune chance de démarrer s'il repose sur le retour d'investissements culturels que laissent supposer quelques soirées exportées ou importées, c'est selon, du Panaf… que le nœud du problème est encore plus complexe. Cela étant, ceux parmi les artistes qui ont fait une virée à Constantine n'ont été présents que le temps de leur concert avant de reprendre la route. L'essentiel de leur présence s'est passée au sein de chambres ou de salons d'hôtel. Si l'engouement du public, notamment les jeunes, est certain, il serait exagéré de considérer que les familles qui ont fait le déplacement ont pu profiter des spectacles, exception faite de quelques «vernies» d'entre elles qui ont pu accéder aux gradins en faisant jouer leurs relations auprès des organisateurs. C'est pratiquement le même public qui était régulièrement présent aux soirées… autrement dit les habitants des cités proches dont le déplacement même à pied rajoutait au plaisir en raison de la flânerie supplémentaire par de belles nuits d'été… quoique le spectacle ait été gâché à deux reprises par un soudain orage. Mais cela est évidemment à mettre sur le compte des impondérables. Paradoxalement, ce même public, notamment les jeunes, n'a à chaque fois fait le déplacement, malgré l'indigence de la publicité autour de cet événement majeur et l'absence d'une intelligente communication, que lorsqu'il se trouvait un ou des artistes algériens. Ceux que nous avons questionnés étaient unanimes, il leur importait peu que ce soit une star africaine pointue qui fasse le détour par leur ville. Tant que ce n'est pas Khaled ou Billal, le reste, c'est du… toc. D'où le très grand succès de Lotfi Double Kanon le jour même où Manu Dibango se produisait et qu'il a plus qu'éclipsé. Pourtant entre le rappeur annabi et le Camerounais, il n'y a vraiment pas photo. Parler ensuite d'engagements d'artistes nationaux dans cet événement serait faire prendre des vessies pour des lanternes aux autres. Nul n'ignore que tout artiste ne se déplace que s'il peut monnayer son talent et, dans le cas du Panaf, les pouvoirs publics n'ont pas lésiné sur les moyens. Enfin, les responsables locaux de la culture ont été totalement à côté de leur compétence en ce sens qu'ils ne savaient rien en général des artistes africains invités. Ce qui est quand même d'une… gravité qui a fait rire Manu Dibango sur lequel certains de nos confrères se sont trompés en allant interviewer son… fils. Un Panaf tous les quarante ans ne suffit pas évidemment à réinstaller des habitudes, une… culture de la culture si, dès le lendemain de la méga-fête, tout le monde se remet à ronronner. Ce sera malheureusement le cas et là est toute l'appréhension de notre ami médecin qui disait justement : «Dividendes… quels dividendes ?»