Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili Au centre hospitalo-universitaire de Constantine la situation a atteint, ces trois dernières années notamment, un seuil intolérable. En fait intolérable, et ils constituent la majorité, pour les seuls malades et plus particulièrement ceux qui n'ont pas, quelle que soit leur envergure, leur position dans la hiérarchie administrative ou médicale, de relais sur place. Des relais à même d'atténuer quelque peu les tracas auxquels sont confrontés quotidiennement leurs proches mais aussi de moins vider leurs bourses. Si la réponse fournie par les responsables relève de la rengaine anesthésiante, elle consiste à faire croire «qu'à l'exception de quelques actes radiologiques ou analyses dont nous ne disposons pas, à cause d'une rupture provisoire de clichés ou de réactifs, toutes les prestations sont exécutées in-situ». Archi-faux et fieffé mensonge ! L'acte médical, pudiquement qualifié par ces derniers, et l'acte le plus anodin, le plus banal est effectué dans des structures externes à l'hôpital… de la radio du buste (télé-thorax) au scanner, en passant par une analyse sanguine, tout est réalisé à l'extérieur auprès de cabinets, laboratoires spécialisés appartenant à des amis, proches ou, tout bonnement, conjoint. Timidement proposé, il y a quelques années, cet acte est aujourd'hui assorti d'une obligation, à défaut de ne pas être pris en charge par le médecin et/ou parfois par le service. Une procédure, des procédés qui présentent alors l'aspect le plus indiscutable de la collusion, voire de la proximité d'intérêts dans l'affaire. A titre d'exemple, deux ou trois médecins du service cardiologie du CHU orientent d'une manière systématique tous les parents de personnes hospitalisées vers le laboratoire «A» pour toute analyse, ce qui a fait dire à un malade : «Je me demande si en réalité ces analyses sont vraiment nécessaires. Si ces médecins veulent gagner de l'argent, pourquoi ne nous en demandent-ils pas directement ? Saignés, pour saignés, pour quelle raison mettent-ils dans l'embarras nos parents et les font courir, déjà qu'ils sont épuisés par d'incessants va-et-vient» ? Est-il alors besoin de rappeler que le plus souvent les malades concernés viennent de wilayas limitrophes et sont en général d'origine modeste. En 2008, un groupe de malades à hauteur du service sus-évoqué s'est quelque peu «mutiné», l'un d'eux ayant en fait, involontairement, fait savoir à la chef de service hématologie que «pour un TP, tous les jours son père est obligé de se rendre au laboratoire ‘A' pour les analyses». Or, l'acte en question est pratiqué au niveau des laboratoires implantés au sein du CHU. Si la prestation (TP) ne coûte pas cher, elle est toutefois quotidienne et il est peu probable, du fait des conditions d'acheminement, qu'elle soit fiable malgré la notoriété du laboratoire évoqué. Assez souvent, les réactifs sont périmés et les propriétaires très peu enclins à faire preuve de conscience professionnelle, n'hésitant donc pas à fournir des résultats biaisés, au risque de mettre en danger la santé du malade, compte tenu du traitement qui pourrait lui être prescrit en raison du résultat des analyses. S'agissant de la «mutinerie» de l'une des salles du service cardiologie, l'affaire arrivera sur la table du conseil de direction et le directeur général au cours de la réunion fera un esclandre. Réaction immédiate de l'un des médecins du service qui refuse de continuer de soigner le malade à l'origine de l'éventement de cette affaire. Mais des tares de ce genre ne sont que la partie visible de l'iceberg et éclipsent en réalité des actes plus graves qui consistent à pratiquer, pour un ou deux professeurs connus sur la place publique, de la chirurgie lourde contre rétribution ou sur les lieux mêmes ou à hauteur de cliniques privées et d'hospitaliser la personne opérée en cas de difficultés post-opératoires. Le dossier de l'un de ces professeurs était, il n'y a pas longtemps encore, sur le bureau de l'ancien ministre de la Santé Amar Tou, lequel l'aurait transmis, selon ce qui se dit ici et là, à la justice. En attendant, celle-ci met du temps à trancher, dans la mesure où le professeur en question sévit encore et toujours, faisant d'ailleurs de son service un véritable bunker auquel personne ne peut accéder.