La nouvelle carte sanitaire n'apporte pas les changements promis par les initiateurs de la réforme. Loin de là ! De nombreux établissements de santé à travers le pays souffrent de dysfonctionnements multiples. Mauvaise gestion de l'activité et des équipements, mauvaise répartition des moyens humains et matériels, rupture des stocks de médicaments… et pannes répétées du matériel médical. Les consommables se volatilisent Les structures de santé continuent d'offrir une image peu enviable. Médiocre, pour reprendre les mots de nombreux citoyens qui s'y sont rendus pour un malaise, une fracture, une consultation… ou simplement une injection. Certes, d'aucuns ne peuvent ignorer les réalisations dans ce secteur sensible qu'est la santé publique (réhabilitation d'anciens établissements, réception de nouvelles structures, ouverture de nouveaux services…) mais des problèmes persistent. De gros problèmes qui pénalisent sérieusement l'activité médicale et portent préjudice au physique et au moral. Plusieurs années après la mise en œuvre de la réforme –approuvée par certains mais décriée par d'autres- le train du changement avance à un rythme très lent. Il traîne le pas pour ne pas arriver à destination… La réforme se cache, incapable d'y faire face. Elle se cherche une voie de secours ! Des plaintes et complaintes que beaucoup croyaient faire partie d'un passé révolu reviennent au présent et menacent de perdurer. Si vous allez à l'hôpital, n'oubliez surtout pas de prendre avec vous une feuille de maladie. C'est nécessaire pour le remboursement de vos médicaments. L'hôpital n'en dispose que pour les proches. Les intimes. Si vous partez pour une injection, passez chez le pharmacien du coin et achetez une seringue. Et pour de plus sûreté, ajoutez du coton. Peut-être même le pansement si vous souffrez d'une blessure. Des consommables qui ne restent pas longtemps au niveau des structures hospitalières. Ils sont utilisés en permanence et en grandes quantités, ce qui est normal. Ce qui ne l'est pas, c'est que des gens à l'intérieur de la structure hospitalière n'hésitent pas à puiser dans les stocks. Non pour les besoins des malades mais pour leurs propres besoins. Quand on est infirmier ou médecin, on peut bien se permettre ces petits privilèges. «Elle m'a dit que si j'ai besoin de pansement ou de coton, elle m'en donnera pour m'en servir à la maison. C'est gentil de sa part mais je pense que je n'en ai pas le droit. Ni d'ailleurs elle… Si je n'avais pas été hospitalisée par l'entremise d'un haut responsable, ils ne m'auraient pas entourée d'autant d'affection et d'amabilités», fait remarquer une malade. Ces machines en panne Ce n'est un secret pour personne ! Ça se passe ainsi dans un grand nombre d'établissements hospitaliers, comme c'est le cas d'ailleurs dans d'autres secteurs. Pour les déplacements des malades, les ambulances et ceux qui les conduisent se font désirer. Même au risque de perdre une vie humaine. En voici un seul exemple pour témoigner de cette triste vérité. Cela s'est passé, il y a près de deux ans, à la veille de l'Aïd El Fitr. Un homme, pris de malaise, a été rapidement évacué vers l'hôpital de Kouba à bord d'une voiture de la famille. Arrivé à l'hôpital, pas d'ambulance. La famille s'affole. Il faut absolument trouver une solution. Elle va jusqu'à faire venir un responsable de l'hôpital en vain. L'ambulance de l'hôpital n'arrive qu'après celle d'un privé. Trois heures de perdues… Entre-temps, l'homme tombe dans un coma profond. Evacué au service de réanimation du CHU Mustapha, il succombe après dix longs jours. Les ambulances manquent dans les hôpitaux et sont presque inexistantes dans les polycliniques et les centres de soins. Les citoyens utilisent leurs propres véhicules pour l'évacuation d'un malade. Même chose pour les fauteuils roulants, remplacés par des chaises, toutes petites et vétustes… Et dire que les responsables du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière exhibent des sommes faramineuses dépensées dans l'achat d'équipements. En effet, de grosses sommes d'argent ont été allouées, dans le cadre de la réforme du système de santé, pour doter les structures hospitalières des équipements nécessaires. Des établissements en ont bénéficié, d'autres en entendent seulement parler. Et même pour ceux qui en ont bénéficié, des manques sont signalés en permanence. De l'appareil de radiologie au scanner et à l'IRM, en passant par l'appareil d'échographie et l'électrocardiogramme (ECG), plusieurs fois des citoyens se voient refuser l'accès à ces machines qui tombent souvent en panne. «Les clichés ne sont pas lisibles. Il vaut mieux aller refaire la radio chez un privé», entend-on dire à un jeune qui consulte pour une fracture. «Le scanner est en panne. Tu n'aurais pas une bonne connaissance à l'hôpital de Bab El Oued ?» dit-on à un autre demandant un rendez-vous pour sa mère qui doit subir une intervention chirurgicale. C'est habituel, complètement banal. C'est le contraire qui aurait étonné en ces temps où il faut toujours avoir son calepin sur soi, se chercher d'anciens amis… pour s'assurer un bon contact dans un service de santé et, partant, avoir accès aux soins demandés. C'est à se demander pourquoi laisser travailler des médecins dans une polyclinique ou un centre de proximité s'ils ne sont pas en mesure de faire un diagnostic immédiat d'une maladie qui semble être inquiétante. L'Aspegic et le Spasfon semblent faire l'affaire, en attendant que des examens de radiologie ou des analyses médicales se fassent ailleurs, dans un laboratoire privé de préférence pour avoir des résultats rapides et fiables. A l'hôpital ou à la polyclinique, il faut attendre des jours, peut-être des mois, pour un rendez-vous… Et pourtant ! Le manque d'équipements médicaux dans un grand nombre d'établissements de santé à travers le pays, notamment dans les wilayas de l'intérieur et les régions enclavées, est un problème réel. Un problème qui se greffe sur le manque criant de spécialistes. Pourtant, l'argent ne manque pas pour doter l'ensemble des structures du matériel nécessaire. C'est cela qui est inquiétant ! Au début de la mise en œuvre de la carte sanitaire, les 186 EPSP (établissements publics de santé de proximité) ont bénéficié chacun, pour ne citer que cet exemple, d'un milliard de centimes, pour l'achat de matériel d'ophtalmologie. L'enveloppe a été dégagée sur instruction de l'ancien ministre, Amar Tou. Aujourd'hui, des mois après l'application de l'instruction ministérielle, de grandes quantités de ce matériel «pourrissent» dans les caves de nombreux établissements. La raison en est le déficit en médecins ophtalmologues. Aussi, constatons-nous, certains établissements sont équipés «à l'excès», possédant des machines ultramodernes, d'autres manquent d'équipements de base. Il y a aussi ce gros problème de manque de médicaments. Les ruptures de stocks n'en finissent pas… au grand dam des malades chroniques (hypertendus, diabétiques, insuffisants rénaux… et bien sûr, les cancéreux). Si l'on en croit certains proches de la santé, il y a même un manque dans les produits anesthésiants. Interpellés sur ces problèmes, l'Institut Pasteur d'Algérie et la Pharmacie centrale des hôpitaux, (PCH) sont souvent mis en cause, les responsables du ministère de la Santé, de la Population et de Réforme hospitalière réfutent, tout simplement, les accusations des malades. K. M.