De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad La Fête de la figue s'est achevée hier sur un bel air de fête, d'efforts récompensés et de belles promesses de faire mieux en 2010. Une 3ème édition marquée par «une évolution extraordinaire du nombre de visiteurs» au village Lemsella, commune d'Illoula Oumalou, à environ 70 kilomètres de Tizi Ouzou, selon le jeune président de l'association organisatrice. Malek Meziache, contacté hier matin. Tout le village a été mis dans le bain : il s'agit de la fête d'un fruit sacralisé par la tradition régionale et cher aux Kabyles qui le considèrent comme le «témoin de notre identité», comme que le rappelle d'ailleurs une banderole, qui barre l'entrée du village séduisant, aux couleurs de la joie et de la terre nourricière. Pour le comité et l'association Tighilt Lemsella de ce petit village d'environ un demi-millier d'habitants, à 800 mètres d'altitude, d'où on peut dominer toute vallée fertile du Sebaou et satisfaire allègrement ses sens avec les mille collines alentour de la Kabylie, le défi est double, culturel et économique, et s'inscrit en cohérence avec leur credo : «Penser globalement et agir localement.» Lemsella (en kabyle : lieu où se rencontrent les gens sages), qui a donné à la guerre d'indépendance (1954-1962) 36 martyrs pour seulement 25 foyers à l'époque et un autre martyr, Meziani Mhanni, lors des événements du printemps noir 2001, a eu, depuis trois années consécutives, la merveilleuse idée d'inscrire dans son calendrier un hommage à un fruit à base duquel sont préparés été comme hiver des plats et des gâteaux succulents, en plus, mélangé à un autre aliment local, de constituer un remède avéré contre la toux, selon les organisateurs. Les exposants, aidés et orientés par la section féminine de l'association Tighilt Lemsella et répartis sur plusieurs sites, des maisons kabyles transformées en salles d'exposition, ont permis aux habitants de la région et à la foule des visiteurs de redécouvrir pendant trois jours les bienfaits de la figue dans une sorte de «figolade» faite de chants et de poésie sur la figue et qui marque la fin de l'interdiction de cueillir les figues (tamuqint en kabyle) de l'ère moderne. La dessiccation et la conservation du fruit ainsi que les graves maladies qui le menacent et les voies et moyens d'en faire une économie locale prospère font l'objet d'expositions et de conférences données par des chercheurs universitaires du domaine. «Au village, personne n'est privé de figues. Quand on lève l'interdiction, nous sommes tous de la fête. Les maisons se vident avant l'aube. Les champs se renvoient l'écho des appels joyeux, nous vivons un jour heureux, le premier jour de lakhrif [figues, ndlr]», disent les organisateurs, citant un passage de l'écrivain Mouloud Feraoun. A cet effet, une stèle en l'honneur de la figue a été inaugurée sur la placette du village ; la peinture représente une figue dans une main à moitié fermée. Un mini-carnaval a été aussi réalisé avec le concours de jeunes comédiens du village qui ont sillonné les étroites mais belles et accueillantes allées de Lemsella. L'organisation impeccable, l'implication des habitants de tout âge du village confortent l'idée que Lemsella est un village qui doit faire des envieux, et l'exemple doit être suivi par beaucoup d'autres villages de Kabylie en panne d'idées de développement et en mal de solidarité entre habitants. A Lemsella, les petites allées en pierre ardoise, la place du village agréablement retapée et des maisons typiquement kabyles érigées en musée sont pris en charge financièrement presque entièrement par le comité et l'association du village, lequel a été, d'autre part, inscrit récemment dans le cadre du projet de proximité pour le développement rural intégré (PPDRI). Cela dit, de l'avis de beaucoup de membres actifs des associations de la région de Kabylie, les autorités doivent se rappeler Lemsella, comme Ath Yenni, Ath Hichem et Maatka et d'autres fêtes locales et à l'échelle de tout le pays, une heure tous les 365 jours pour se donner une bonne conscience ou renouveler machinalement des promesses jamais tenues.