Il serait illusoire de vouloir attribuer le phénomène de la spéculation qui sévit pendant le mois de Ramadhan au seul commerçant (grossiste, mandataire ou détaillant) sous prétexte qu'il cherche à s'enrichir rapidement et à moindre frais. Si la pierre lui est jetée en premier, c'est sans doute parce qu'il est l'unique vis-à-vis des consommateurs qui subissent dans leur porte-monnaie et, on l'oublie trop souvent, dans leur amour-propre, les terribles conséquences du phénomène ; le seul visage que le citoyen lambda peut mettre sur un phénomène aux contours extrêmement flous, dont il n'entend parfois parler qu'à travers les médias. Pour lui, si les prix des fruits et légumes, des viandes et des autres produits de consommation sont plus chers pendant le Ramadhan, c'est uniquement par la faute du marchand qui veut troquer sa Clio contre un 4X4 rutilant et acheter une nouvelle villa dans un quartier chic. Si cette vision n'est pas dénuée de fondements, elle reste cependant tronquée : le commerçant n'est généralement que l'ultime maillon du processus qui mène la marchandise depuis le producteur jusqu'au consommateur. Soit après que le prix du produit a augmenté du fait de son traitement, de son transport, de son stockage… et, très souvent, de l'intervention des intermédiaires qui s'imposent un peu partout sur l'itinéraire parcouru par la marchandise. Les témoignages sur ces «courtiers» qui, par exemple, interceptent la marchandise à la sortie des marchés de gros pour les conserver jusqu'à créer la tension et imposer leurs tarifs sont légion. Et ce ne sont pas les contrôleurs du commerce, les services de sécurité ni les associations de protection des consommateurs qui pourront prétendre ignorer le phénomène. Le plus grave dans tout cela est l'incapacité de l'Etat à mettre fin à une spéculation qui bat son plein tout au long de l'année et touche de nombreux secteurs économiques et non pas uniquement la consommation durant le seul mois de Ramadhan (période pendant laquelle elle est aussi visible au grand nombre parce qu'elle s'abat sur les produits de large consommation). Une fois le Ramadhan terminé, les ravages de la spéculation (ré) apparaîtront avec plus de netteté ailleurs, sur le marché des matériaux de construction, par exemple, ou le logement, parce que les journaux s'y (ré) intéresseront davantage. En dépit les assurances maintes fois réitérées et les mesures annoncées par les pouvoirs publics (sinon pour y mettre un coup d'arrêt, du moins amoindrir sa force de nuisance), la spéculation reste un phénomène extrêmement prégnant en Algérie. En raison de l'impuissance des pouvoirs publics mais aussi en raison de l'absence d'associations de protection des consommateurs fortes et de partis politiques crédibles pouvant «taper du poing sur la table» pour exiger un meilleur contrôle pour une meilleure économie. S. O. A.