Face à l'impuissance des ministères du Commerce et de l'Agriculture, censés réguler le marché, la mercuriale s'affole immanquablement, comme de coutume, à chaque mois de Ramadhan. La folie a surtout touché le rayon des fruits et légumes dont les prix sont inabordables, même pour ceux de saison. Ça n'a absolument rien avoir avec la fameuse règle de l'offre et de la demande. Le marché est bien approvisionné, comme d'ordinaire, et les besoins sont, à quelques différences près, les mêmes. Mais les prix montent comme par magie. Entre le détaillant et le grossiste, qui se renvoient la balle, c'est le consommateur qui subit cette hausse vertigineuse des prix en ce mois de Ramadhan qui coïncide, rappelons-le, avec la rentrée scolaire et son lot de dépenses à consentir. Les commerçants, pour qui le mois de Ramadhan constitue une période propice aux gains substantiels, refusent de prendre la responsabilité de cette hausse des prix. Pour eux, tant que le marché de gros vend cher, le consommateur achètera cher. Ils sont tous unanimes pour dire que c'est le marché de gros qui dicte sa loi sur les prix. Si cette vision n'est pas dénuée de fondements, une simple virée dans un marché de gros démontre qu'elle reste tronquée. En effet, les prix constatés mardi dernier au marché de gros des Eucalyptus ne justifient aucunement ceux dépassant tout entendement sur le marché de détail. D'ailleurs, l'Association des mandataires du marché de gros des Eucalyptus, par la voix de son président, a tiré la sonnette d'alarme concernant le laxisme des autorités quant à la situation qui prévaut sur le marché. Sur les colonnes d'un confrère, le président de l'association a affirmé, la semaine dernière, qu'il était anormal que les prix aient atteint ces pics alors que le contraire devait se produire. Renvoyant la balle aux commerçants de détail et les intermédiaires non agréés, il affirme que ces derniers sévissent dans une totale impunité. Mais au-delà de cette guéguerre entre détaillants et grossistes, la question de fond est ailleurs. Plusieurs facteurs sont derrière l'anarchie des prix, mais tous découlent d'une même raison, à savoir l'incapacité des pouvoirs publics à réguler et à contrôler le marché. C'est d'ailleurs le constat fait par le président de la République. Il a affirmé, le 26 août dernier, que “dans les conditions actuelles, la maîtrise de la régulation du marché, notamment à l'occasion du mois de Ramadhan, a révélé ses limites face aux effets de la libéralisation incontrôlée des circuits de distribution, aggravés conjoncturellement, surtout par des pratiques spéculatives et parasitaires au détriment des citoyens”. À l'instar des autres maillons de la chaîne, les marchés de gros connaissent le même laxisme quant à l'application de la législation. Pour preuve, les marchés de gros n'obéissent pas aux mêmes règles de fonctionnement. Si aux Eucalyptus, le marché de gros est constitué en établissement public de gestion des marchés de gros de fruits et légumes, sous la coupe de la wilaya, les autres marchés de gros, à l'instar de celui de Rovigo, sont cédés en gestion aux privés. Cette différence fait que, contrairement aux autres marchés où le négoce est ouvert à de nombreux intermédiaires, celui des Eucalyptus n'est ouvert qu'aux mandataires qui louent les 80 carreaux du marché. Ce manque d'homogénéité dans la gestion des marchés de gros fait que certains sont plus prisés que d'autres puisqu'ils favorisent l'intervention de nouveaux intermédiaires sur le marché tant ce créneau est alléchant en cette période de Ramadhan. Ces intermédiaires, qui s'imposent un peu partout sur l'itinéraire de la marchandise, ne se privent pas de stocker la marchandise après sa sortie du marché jusqu'à créer une tension et imposer leurs tarifs. Le statut juridique du marché des Eucalyptus a permis, selon son premier responsable, M. Hamitouche, de lancer un important plan de réhabilitation de l'infrastructure. Avec l'aide de la wilaya, l'établissement a réussi à améliorer les conditions de travail et de sécurité à travers la réalisation d'un nouveau réseau d'AEP et d'assainissement ainsi que des travaux de voirie. Par ailleurs, un nouveau cahier des charges pour les mandataires est en cours d'élaboration. Il convient de souligner que les 80 mandataires du marché des Eucalyptus sont locataires des carreaux mais sont propriétaires des fonds de commerce. Concernant les opérations de contrôle, même si des opérations sont effectuées ponctuellement, l'on a été surpris d'apprendre qu'il n'existait pas encore un bureau permanent des services de la DCP sur les lieux. D'ailleurs, ce n'est que maintenant qu'on pense à l'installer. Tout en insistant sur les attributions de son établissement, qui se limite à gérer l'infrastructure, M. Hamitouche reconnaîtra que la chaîne de distribution n'est pas respectée. Pour y remédier, les pouvoirs publics parlent d'un projet en cours de réalisation portant sur la création de quatre marchés de gros à vocation nationale et d'autres structures de même nature au niveau régional. Mais peut-on se suffire de réaliser des infrastructures sans se soucier de leur gestion.