«Au cours du mois de Ramadhan, les portes de l'enfer sont fermées et celles du paradis grands ouvertes. Les démons sont ligotés. Par conséquent, l'influence de ces derniers sur les humains est insignifiante.» Voici le sens général d'un hadith du Prophète, paix et bénédiction de Dieu sur lui. Mais, si durant ce mois, les démons sont entravés, force est de constater que pour les démons humains, les données sont tout autres. Ces derniers, dès l'entame du mois du jeûne, se métamorphosent radicalement. On eut dit qu'ils n'attendaient que ce mois pour se mettre en évidence. Cela ne veut guère dire que durant les autres mois de l'année, ces démons étaient en hibernation. Non, loin de là. Ils étaient toujours actifs. Mais pour le Ramadhan, les choses sont bien plus spéciales. Alors qu'il est censé être un mois de patience, de surpassement, de retenue et de maîtrise de soi, on assiste paradoxalement à des comportements qui contrastent avec l'essence même de ce mois. Là où l'on se rend, les mêmes scènes sont omniprésentes. Coups de gueule, insultes, injures, disputes, altercations, rixes, sont les ingrédients des journées et des nuits ramadhanesques. Incontestablement, c'est dans les marchés que la violence atteint son point le plus culminant. Les citoyens, les nerfs à fleurs de peau à cause de la flambée des prix des fruits et légumes et des difficultés de la vie, profitent de la moindre occasion pour «mettre le feu aux poudres». Les rugissements et les cris sont légion. On en vient souvent aux mains. Une foule compacte faite de badauds et de curieux entourent les deux belligérants. Dans ce cas, gare à celui qui oserait s'approcher d'eux dans le but de les séparer. Ils sont si nerveux qu'ils deviennent sourds et aveugles ! Le potentiel «réconciliateur» aura droit à un déluge d'insultes et de propos blasphématoires. Dans ce climat électrique propice à tout débordement, les vols occupent bien entendu une place de choix. Des pickpockets aux aguets se trouvent toujours au bon endroit pour subtiliser argent, téléphone portable et tout autre objet de valeur. Pour les jeunes délinquants et désœuvrés, le mois de Ramadhan est l'occasion de faire parler les armes blanches. C'est sous la menace de ces dernières que les victimes obtempèrent. Sur les routes, en fin de journée, et à l'approche de l'heure de la rupture du jeûne, les conducteurs, dans le but d'arriver à temps chez eux et ne pas rater le f'tour en famille, n'hésitent pas à slalomer en milieu de la chaussée, appuyant sur l'accélérateur et mettant en péril la vie des passants. La priorité n'est pas respectée. Le «tag ala men tag» est le maître mot. Là aussi, la violence (surtout verbale) est de mise. Un rien embrase la situation. Même en soirée, la violence est omniprésente. Ni les couples ni les familles et encore moins les solitaires déambulant ne sont épargnés des coups de gueule des jeunes qui se déchaînent quelque temps après la rupture du jeûne. Durant le Ramadhan de l'année dernière, le comble a été atteint à Oran avec 400 agressions enregistrées ! Durant ce laps de temps, les admissions aux urgences médicales sont fréquentes. Les médecins et les infirmiers ont du pain sur la planche. «Pour nous, le mois de Ramadhan rime avec overdose et agressions. C'est, désormais, une tradition bien établie», nous dira un médecin. Alors, à quand un Ramadhan sans violence ? That is the question. B. L.