Photo : S. Zoheïr De notre correspondant à Aïn Defla Madani Azzeddine Décidément, les agriculteurs ne cessent d'annoncer à chaque occasion qui se présente leurs pertes financières à chaque récolte de la pomme de terre dans la wilaya de Aïn Defla ou ailleurs. En revanche, le consommateur, lui, assume toujours les conséquences des variations du prix de ce produit de large consommation. Si, pour cette saison, le tubercule a souri au consommateur à cause d'une obéissance logique à l'offre et à la demande, les agriculteurs n'arrivent pas à admettre que toute activité agricole ou autre est concernée par ces variations des prix pouvant engendrer des pertes financières importantes. Les producteurs de pomme de terre continuent, en effet, d'user de tous les moyens pour demander des aides aux pouvoirs publics alors qu'ils devraient prendre leurs dispositions et se préparer à affronter de telles situations. Ce comportement montre ainsi clairement que la filière de la pomme de terre est loin d'être organisée et que la production de ce légume continue de se faire sans prendre en compte certains risques. Aïn Defla, wilaya à vocation agricole, la plus connue pour sa production de la pomme de terre, puisqu'elle alimente le marché national à hauteur de 35%, connaît cette année une baisse surprenante des prix de ce produit pour la première fois depuis des années. La règle «offre-demande» a pu s'imposer en fin de compte, surpassant la spéculation. Le prix du détail, qui a atteint 20 et 25 DA/kg selon la qualité du produit sur les différents marchés de cette wilaya, a diminué au niveau des champs pour osciller entre 8 et 10 DA. Selon les spécialistes dans le domaine, pour cette année, une superficie de 9 500 hectares a été plantée dans cette wilaya, considérée comme très grande par rapport aux années précédentes qui ont vu en moyenne la plantation de moins de 6 000 hectares. Pour ce qui est du rendement, les agriculteurs ont enregistré cette saison 250 quintaux à l'hectare à travers l'ensemble des champs répartis dans les communes les plus productives de pomme de terre (Amra, Mekhatria, Abadia, Arib, etc.). Le prix de ce produit est par ailleurs appelé à diminuer davantage, selon les mêmes spécialistes. Et ce, d'autant que la surproduction est déjà apparente alors qu'il reste encore à collecter une bonne partie de la superficie plantée. Une prévision de production de 2 millions de quintaux Selon les estimations, la production cette année va dépasser largement 2 millions de quintaux. Une quantité que l'ensemble des chambres froides ne peuvent contenir, d'autant plus que les 28 chambres recensées, d'une capacité totale de 600 000 quintaux, sont actuellement pleines. Selon les mêmes sources, 200 000 quintaux sont conservés de manière traditionnelle à l'intérieur des habitations et autres endroits aménagés pour être utilisés à partir du mois d'août comme produit de semence et de consommation. Une grande quantité est aussi vendue dans les autres wilayas du pays pour au moins compenser un peu les dépenses de l'ancienne production. Pour cette année, la situation est un peu différente, selon de nombreux agriculteurs interrogés, d'autant plus que les pertes enregistrées vont affaiblir la trésorerie de nombreux producteurs, ce qui va réduire la superficie plantée lors de la prochaine saison. 30 millions de centimes de pertes par hectare en raison de la surproduction Cependant, cette hypothèse ne peut être prise en compte, pour les saisons passées, où le mildiou a causé des pertes énormes, et les variations du prix des semences ont aussi influé considérablement. De nombreux agriculteurs ont parlé de la réduction de la superficie plantée alors que celle-ci a augmenté cette année. Dans ce même cadre, les pertes sont estimées, suite à cette surproduction et à la baisse des prix, à 30 millions de centimes par hectare, alors que les dépenses ont atteint 60 millions de centimes pour chaque hectare. Ce montant comprend la semence qui a été cédée entre 70 et 150 DA/kg, l'engrais à 5 500 DA/q. S'ajoutent à cela d'autres dépenses liées notamment au carburant et au paiement du personnel. Les agriculteurs dans cette wilaya demandent aux autorités de trouver les mécanismes nécessaires afin de protéger leur activité et ce, par la mise en place de moyens permettant de réguler le marché de la pomme de terre. Ces mécanismes permettront d'assurer la disponibilité du tubercule à des prix raisonnables à travers les marchés mais également de protéger les producteurs. Le président de la Chambre nationale d'agriculture, M. Ouled Hocine, a par ailleurs annoncé qu'une réunion a été organisée dernièrement. Elle a regroupée l'ensemble des chambres des wilayas et les entreprises spécialisées dans la production de la semence dans le but de débattre cette baisse des prix. Selon la même source, il est attendu cette année une production de plus de 4 millions de quintaux à l'échelle nationale. Une production qui pourra couvrir largement les besoins jusqu'au mois d'octobre prochain. Cependant, pour cette année, les agriculteurs risquent de voir une grande partie de leur production détériorée à cause de l'impossibilité de la stocker et ce, en l'absence de moyens. Cette situation risque de se répercuter sur cette activité et verra dans l'avenir proche une hausse des prix. Dans ce cadre, le premier responsable de la Chambre d'agriculture a souligné la nécessité de rechercher des mécanismes pour assurer la durabilité de la stabilité des prix de la pomme de terre à travers l'implication de l'Etat et le soutien des producteurs. Notons que la Chambre nationale d'agriculture vient d'entamer un programme de formation pour les agriculteurs afin de les informer des techniques de stockage et de conservation des produits agricoles. Ces formations s'organisent dans un cadre régional.