Finalement, voudrait-on le beurre et l'argent du beurre ? Sinon, comment expliquer une question laquelle, parce qu'elle devrait tarauder les esprits, mériterait quand même d'être posée et les réponses sérieusement envisagées. Les succès en série de la sélection nationale de football n'auraient-ils pas tendance à estomper une bien triste réalité ? Celle qui ferait passer par pertes et profits les déboires des autres disciplines, à commencer par les contre-performances des pugilistes. Possible et même certain d'autant plus qu' appréhender la situation avec un minimum de logique laisserait entrevoir que finalement cette sélection nationale a beau être algérienne et les éléments qui y évoluent tout autant, ne sont-ils pas, en réalité, un produit importé puisqu'ils évoluent tous à l'étranger après y avoir été formés et en majorité nés. De fait, ils semblent porter les couleurs d'un… autre pays.Quoiqu'il ne soit nullement question pour nous d'engager la polémique mais juste de souligner qu'en réalité nous ne disposons pas d'une équipe nationale représentative dans le sens où cette sélection, dans un contexte normal, aurait été appelée à réunir l'élite locale et donner, un tant soit peu, toutes les raisons de croire en l'existence d'un réservoir qui justifierait la nécessité d'avoir des structures censées mettre en place des programmes, l'organisation des compétitions, au lieu d'investir l'argent du contribuable souvent à déraison sans que tous ces mécanismes soient payés en retour. En clair, tout ce qui est dit et redit sur la politique sportive en Algérie n'est qu'un grand brassage d'air. Dans sa version actuelle, la sélection nationale de football plane plus qu'elle ne domine les débats dans son groupe, les coaches adverses admettent sa supériorité et pour cause... cette supériorité est effective, quoiqu'il faille également imaginer un instant, un seul, qu'il n'existerait pas de Ziani, d'Antar Yahia, de Matmour, etc. ou tout bonnement que ces compatriotes, pour une raison ou une autre, aient choisi de ne pas porter le maillot national. Sur ce point précis, nous n'allons rien inventer puisque le premier responsable de la FAF en assume les propos. «Il n'y a pas de relève après», avait-il dit en évoquant les noms de deux ou de trois footballeurs du cru. Il n'y aura donc plus de sélection nationale au sens d'une sélection outrancièrement compétitive comme celle actuelle si les professionnels décidaient, un jour, de décliner l'offre plus que la demande nationale. La bande à Saadane ira en Afrique du Sud. Là-dessus, il n'y a pratiquement plus aucun doute à moins d'un miracle arbitral ou de la présence d'une sélection national de culs-de-jatte. Mais le championnat du monde passera et il faudra alors réfléchir à la prochaine, sinon déjà à celle des nations africaines. Le coach, s'il reste en activité, prendra les mêmes et certainement d'autres pour repartir. Or, ce choix condamnerait irrémédiablement la formation interne, l'émergence de nouveaux talents et permettrait de choisir la solution de facilité parce qu'elle consistera à puiser ailleurs. Là où des gens s'échinent à former des footballeurs et où des footballeurs s'échinent à travailler parce qu'il y va de leur avenir. Déjà que le niveau vole très bas, malgré tous les gargarismes exprimés jusque-là, avec joueurs vites proclamés surdoués, à l'image de Hadj Aïssa, et dont le niveau réel ne dépasse pas celui d'un alter ego de CFA en France, qu'en sera-t-il pour un produit typiquement algérien ? A ce profil de conduite, le pays s'achemine droit vers une menace de disparition à l'échelle internationale d'une discipline qui avait réussi à maintenir le cap même en flirtant avec le ridicule. Pourrait-il, toutefois, en être autrement que ce choix de… choisir les professionnels d'abord et surtout ? La réponse : on garde ou le beurre ou l'argent du beurre mais jamais les deux. C'est le prix à payer pour la démission collective des responsables, de l'attitude gagne-petit des footballeurs locaux et de l'autosatisfaction béate de tout le monde. A. L.