Qui de mieux que Noureddine Saâdi pour parler des maux qui rongent notre football ? Non pas que les autres ne peuvent pas le faire, mais avec l'entraîneur du CSC (?) c'est dit sur un ton différent. Liberté : M. Saâdi, êtes-vous toujours entraîneur du CSC ? N. Saâdi : Avant de répondre à votre question, j'aimerais juste dire que je suis étonné de voir que l'esprit de généralisation s'est érigé en règle dans notre milieu. Je m'explique : aujourd'hui on confond, dans le mal bien sûr, les joueurs, les dirigeants, les entraîneurs et les présidents. De l'avis de ces gens, nous nous ressemblons tous. Personnellement, même si je n'ai pas inventé le fil à couper le beurre, j'ai certains principes. Je ne doute pas que les autres en ont aussi, qui marquent la différence… Vous n'avez pas répondu à notre question… Les gens me reprochent ma situation actuelle au CSC. Ils me disent que je ne dois pas jouer les justiciers sous prétexte que je connais le milieu. Je leur réponds que la seule chose qui fait que je reste dans ce milieu super pourri est qu'il me permet de gagner ma croûte. Seulement, j'essaye d'être le moins pourri possible. J'ai fait des études pour exercer ce métier. Je n'ai ni locaux à louer ni des terres à vendre pour nourrir ma famille. Si je me résigne à rester chez moi, on mangera des cailloux. Pour répondre à votre question, je tiens à rappeler que je n'ai pas abandonné le CSC puisque j'ai demandé à mon adjoint, qui m'est fidèle, d'assurer les entraînements de l'équipe en attendant de voir plus clair… Je pense que si j'étais resté en poste j'aurais constitué un frein pour le club. Comment cela ? Trouvez-vous normal que le club ne pouvait même pas assurer mon hébergement ? Sachez que je logeais chez un ami. Cela a duré deux mois. Par la suite, un supporter a mis à ma disposition son appartement durant un mois, qu'il m'a prié de quitter juste avant le match face à Biskra. C'est à partir de là que j'ai décidé de rentrer chez moi, au risque de me retrouver à passer mes nuits à la belle étoile sur les ponts suspendus de la ville. Ceci pour dire que la situation était devenue invivable et que je n'y pouvais rien pour y remédier. Sachez également que les joueurs n'étaient pas pris en charge. À l'hôtel Marhaba, quand le cuisinier était présent, il n'y avait pas de quoi faire à manger et lorsqu'il leur arrivait de se ravitailler, le cuisinier était absent. En plus, il y avait chaque jour vol de nourriture à la cuisine. J'ai donc fini par en avoir marre. J'ai pensé à ma dignité que j'ai étouffée afin de me sacrifier pour le président Ghoualmi. Finalement, ce dernier a fait preuve d'ingratitude en se retournant conter moi pour un simple match perdu à l'extérieur. Aujourd'hui, je dis basta ! J'en ai ras-le-bol de servir de bouc émissaire. Les joueurs m'ont écouté parce qu'ils me respectent. Si j'ai un regret à exprimer, c'est de les avoir, à maintes fois, convaincus de ne pas recourir à la grève. Il aurait fallu déclencher un mouvement de protestation plus tôt… Cela nous aurait fait gagner du temps. On comprend par là que vous ne comptez pas retourner à Constantine… Je ne reprendrai pas avant l'assainissement de la situation. J'ai tenu parole et j'ai fait ce qu'il y avait à faire et ce, malgré de nombreuses sollicitations. Et si j'ai décliné les offres qui me sont parvenues, cela n'a absolument rien à voir avec ce qu'a déclaré un pseudo-dirigeant. Qu'a-t-il déclaré ? Que je n'ai pas démissionné pour ne pas restituer l'argent. Sincèrement, je ne connais pas un entraîneur au monde qui n'empoche pas d'argent en début de saison. Moi, j'ai un principe, je ne refuse jamais le travail, quitte à échouer. C'est pour cela que je n'ai jamais lâché une équipe. Les gens devraient se demander comment ai-je pu maintenir le groupe durant le mois de Ramadhan sans le sou ? Il arrivait aux joueurs de rompre le jeûne dans des gargotes. Maintenant, j'attends le déroulement de l'AG pour voir si tout cela va changer. Cela dit, dans l'entourage du club, certains affirment que vous avez une part de responsabilité dans la situation actuelle du club… L'évaluation dans notre milieu n'est malheureusement pas faite par des connaisseurs. Nous sommes à la merci du jugement des gamins qui évaluent, en plus, très mal. D'ailleurs, ce qui arrive actuellement à Moulay Haddou relève de l'aberration. Il a raté un penalty, comme il pouvait inscrire un but juste après et il se fait insulter. Des supporters exigent même son départ du club. A-t-on oublié que ce joueur a été classé deuxième meilleur passeur de l'équipe, il y a de cela deux ans, et meilleur buteur la saison dernière ? La même mésaventure aurait pu arriver à Belkaïd face à la JSK. Heureusement qu'il s'est rattrapé avec le but qui a offert le trophée au Mouloudia. C'est aussi ce qui m'est arrivé au MCA avec un pseudo-président nommé Messaoudi. J'ouvre une parenthèse pour dire que le football devrait être en fête pour s'être débarrassé d'un individu pareil. Il a parlé d'état de déliquescence après notre match nul contre l'USB et notre défaite à Constantine face au CSC afin de justifier mon limogeage. Ses “envoyés spéciaux” avaient établi un rapport pour dénoncer le fait que les joueurs ont chanté dans le bus qui nous ramenait de Biskra. Pourquoi ne pas avoir réagi quand un joueur (Abdouni, ndlr), leur a déchiré en pleine figure la convocation lui signifiant sa traduction devant le conseil de discipline ? Aujourd'hui, Messaoudi ne fait plus partie du monde du football… Je suis heureux et déçu à la fois. J'ai des remords parce que je l'ai aidé à accéder en DI et essayé de faire de lui un vrai président. Heureusement que l'histoire l'a rattrapé. On s'est rendu compte qu'il n'avait rien à voir avec le football. Comme on dit, mieux vaut tard que jamais. Pourquoi après chaque échec de votre part, vous incriminez vos présidents ? Personne ne peut dire que j'ai échoué. Au MOB, Rezki serait devenu un héros s'il ne s'était pas précipité. Tout le monde à Béjaïa regrette aujourd'hui l'équipe de la saison dernière. J'ai choisi mes recrues, j'ai créé une excellente ambiance de travail et j'ai propulsé le club aux premières loges du classement. Il nous restait toute la phase retour pour essayer de réaliser l'objectif tracé en début de saison. Mais lui n'a pas cru en moi. Résultat : il s'est fait dégommer, malgré une quatrième ou cinquième place. Concernant le MCA, je pense que j'ai réussi à y rétablir l'ordre. Je suis le seul entraîneur algérien à avoir décroché une victoire en Egypte. J'ai gagné six matches d'affilée, toutes compétitions confondues. Nouzaret en a gagné cinq. J'ai révélé des joueurs, à l'image de Younès. Mais la catastrophe a été provoquée par le groupe de Messaoudi qui voulait ma tête et aussi la reprise des rênes du club. En fait, j'ai été victime du conflit Messaoudi-Tourqui. D'aucuns affirment que vous êtes l'homme des missions difficiles, puisque tous les clubs qui vous recrutent exigent de vous, soit le titre, soit une accession en DI… Justement. C'est réconfortant de se remémorer avec quels yeux me regardaient Rezki et Ghoualmi les premiers jours. Néanmoins, ils n'ont pas admis, faute de connaissances dans le football, que je sois incapable de faire de leurs équipes respectives des rouleaux compresseurs. Renseignez-vous sur le nombre d'années qu'a attendu Lyon pour devenir ce qu'elle est aujourd'hui. Il faut que tout le monde comprenne qu'à chaque jour sa peine dans le football. Revenons, si vous voulez, à vos contacts avec l'USMAn… D'abord, je tiens à dire que l'USMAn est l'équipe que rêve de diriger n'importe quel entraîneur algérien. Néanmoins, je n'ai jamais eu recours à un manager pour entrer en contact avec Menadi, pour la simple raison que je n'en ai pas. En fait, j'a été sollicité par le président du club lui-même à qui j'ai dit que je ne pouvais rendre de réponse avant la tenue de l'AG du CSC… …Et pour le MOC ? J'estime que cela aurait été une bêtise de passer, au milieu de la saison, du CSC au MOC. Je ne me voyais pas changer de survêtement sur un même terrain. Toutefois, cela fait toujours plaisir à un entraîneur, quels que soient son âge et son expérience, d'être sollicité par deux équipes aussi prestigieuses que l'USMAn et le MOC. Ces derniers jours, un débat a été lancé sur le choix de l'option des entraîneurs étrangers. Nos présidents de clubs, malgré de mauvais résultats, se retrouvent obligés de les garder pour ne pas leur payer la totalité de leur dû en cas de limogeage… Quel est votre avis sur cette nouvelle tendance ? Il n'y a pas uniquement le contrat qui bloque les présidents, mais aussi le complexe de l'étranger. Nous ne sommes pas loin de ressembler aux pays du Golfe qui préfèrent les nationalités autres que la leur et celles des pays arabes. À titre d'exemple, si c'était une question de compétences et de palmarès, un Rabier qui a été choisi par un club qatari ne peut égaler Nour Benzekri. Ce complexe est en train de se répandre chez nous. En tout cas, les présidents qui recrutent des étrangers ne savent pas si ces derniers vont réaliser de bons résultats. Par contre, il est sûr qu'ils débourseront beaucoup plus d'argent que ce que peut leur coûter un technicien local. Ceci nous amène à parler de la circulaire du MJS qui impose aux entraîneurs la signature d'un contrat de deux années… Cette circulaire devrait être imposée aux présidents de club plutôt qu'aux entraîneurs. Trouvez-vous normal qu'un vulgaire président comme Messaoudi puisse décider de mon avenir ? Après l'accession en DI, nous avions occupé la place de leader, deux mois durant. Mais suite à deux défaites pendant le mois de Ramadhan, l'équipe a glissé à la 4e place, avec néanmoins deux matches en retard à disputer. Avec ce classement, je n'étais quand même pas devenu fou pour quitter mon poste. Pourtant des gamins sont montés dans le bureau de Messaoudi pour réclamer mon départ et il m'a limogé sans même me payer. Où est mon tort dans ce cas ? En tant que cadre du MJS, j'estime avoir bien représenté ma tutelle. Un autre exemple : lors de la saison 2004-2005, alors que j'étais à l'USMA, j'ai bien remporté douze victoires sur quinze possibles lors de la phase aller. J'ai pu aligner huit succès consécutifs et permis à l'équipe de prendre huit points d'avance sur le dauphin qu'était la JSK. Mais cela n'a pas suffi pour plaire aux dirigeants du club qui ont fini par me demander de partir parce que “ma tronche ne leur revenait pas” paraît-il. Dieu seul sait que j'ai connu toutes les joies cette saison-là, notamment après avoir battu l'ES Tunis (3-0). Donc, vous rejetez cette circulaire ? Moi, je pense qu'il faut imposer aux présidents de bien choisir leurs entraîneurs et de leur établir des contrats comme ils le font avec les étrangers. À ce sujet, j'ai toujours gardé en mémoire une discussion avec le cheikh de Nadi El-Aïn dont je dirigeais l'équipe avec Khalef. Pour lui, même si l'Egypte et les pays du Maghreb étaient plus forts que les Khalidjis sur le terrain, ces derniers avaient déjà pris une avance sur le plan de la gestion d'une équipe. “Par exemple, pour l'entraîneur, nous assumons nos choix, en cas d'échec, car au moment de son recrutement, nous estimions que c'était le meilleur pour le club. Notre évaluation se fait en fonction de trois situations : 1 - l'entraîneur répond à nos vœux en réalisant de bons résultats. Dans ce cas, on lui renouvelle notre confiance ; 2 - les résultats sont mitigés, on le laisse quand même terminer la saison, mais on ne lui propose pas de nouveau contrat ; 3 - les résultats ne suivent pas ou la tronche de l'entraîneur ne nous revient plus, dans ce cas on lui verse la totalité de son dû de l'année, on lui décerne un diplôme de reconnaissance et on lui offre le billet du retour.” On n'en est pas encore là en Algérie… Je le sais. J'aimerais poser une question : est-ce que quelqu'un du MJS s'est soucié de mon sort lorsque j'ai été injustement limogé ? Peut-on parler de bilan négatif au MCA lorsqu'on sait que sur cinquante-six matches, j'ai réalisé trente-neuf victoires, fait six matches nuls et concédé onze défaites en ayant comme président le Dr Messaoudi qui se foutait royalement du lieu de l'entraînement de l'équipe au moment où l'on n'avait même pas de terrain ? En plus, cet individu m'a volé. Aujourd'hui, pour recruter un entraîneur on se sert d'Internet. On les fait venir même d'Amérique latine. Nous n'avons rien contre ce mode de recrutement, mais qu'on fasse le bon choix. Il y a quelques jours, un président d'un club qui joue les premiers rôles cette saison m'a dit texto : “Si mon entraîneur perd deux matches, je le limoge.” Pour revenir à la circulaire, je dirais qu'il est facile de se débarrasser d'un entraîneur. Mais lorsqu'un président doit partir, on est obligé de mobiliser les services de l'ordre pour éviter des émeutes… Dernière question : allez-vous retourner au CSC ? Peut-être que le président qui va sortir des urnes ne voudra pas de moi. J'ai été absent durant trois matches et mon adjoint Hakim Boufenara a réussi à récolter sept points sur les neuf possibles. Cela prouve qu'il y a des potentialités dans cette équipe et qu'on pourra remédier à la situation si les moyens suivent. Sinon, on attendra d'autres sollicitations. S'il y'en aura, bien évidemment.