Le concept est nouveau en Algérie. Assister à un spectacle interactif en dégustant allègrement une crêpe et en sirotant tranquillement une boisson, est un plaisir qui ne court pas les rues. C'est le principe du café-théâtre. Un espace de convivialité qui a cours sous d'autres cieux. Particulièrement aux Etats-Unis. A Paris, le premier du genre a vu le jour au Royal Café du Boulevard Raspail en 1966. Depuis, l'idée a fait son chemin. Jusqu'en Algérie. C'est en 2009 que la version algérienne naît. A Aïn Allah (Alger), le restaurant Dar Baya tente l'expérience. «J'ai repris le restaurant l'année dernière. Au départ, c'était un fast-food. J'ai dû opérer le changement à petites doses. En incluant d'abord le plat du jour, puis en tentant de trouver une manière originale de divertir les clients», explique Halim Louail le gérant des lieux. «Durant le Ramadhan 2008, j'avais opté pour un duo qui interprétait de la musique andalouse. Cela avait déjà remporté un franc succès», poursuit-il. Fort d'une dizaine d'années d'expérience dans le domaine de l'hôtellerie, Halim réfléchissait à une manière de «déranger» les clients sans pousser les décibels aux limites de ce qui est audible. «Par l'intermédiaire d'une amie, la rencontre avec le groupe Art-Room qui se prononce comme ‘‘aghroum'' (pain en berbère) s'est faite dans de bonnes conditions. On a décidé de tenter le coup», explique-t-il. D'autant que le concept ne demande pas de grands moyens. Sauf une bonne dose d'esprit, de sens de la réplique et d'improvisation. Les comédiens sont debout. Ils errent entre les tables avec des mouvements décontractés. Le jeu de scène se fait au gré de l'intervention des clients. Ces derniers ont le droit d'intervenir dans le spectacle et de s'adresser directement au comédien. En cette soirée de jeudi dernier, les choix des thèmes généraux alimentant l'hilarité des habitués tournait autour des comportements équivoques des Algériens. «Les toilettes turques», «le téléphone portable» ou «l'agressivité» sont les sujets tentés. A tour de rôle, de jeunes comédiens donnent des spectacles d'une dizaine de minutes chacun. L'exercice n'est pas de toute simplicité. «Ce n'est pas du genre one-man-show, c'est plutôt du stand-up. Un scenario est préparé mais il évolue vite en fonction du contact avec la salle. C'est un exercice difficile pour des comédiens qui ont l'habitude de faire face à un public. Mais, généralement, cela se passe très bien», s'en félicite Oulebsir Nadjb Fawzi, metteur en scène du groupe. Ce dernier ambitionne de passer à la vitesse supérieure et faire jouer à sa troupe une pièce théâtrale dans ces conditions particulières. «On va investir les lieux. Ce sera ce qu'on appelle du théâtre de chambre. On tentera le coup à partir de jeudi prochain [17 septembre, ndlr]. On verra ce que cela va donner», annonce-t-il. Pour Nadjib Fawzi, l'expérience du café-théâtre est très enrichissante. «C'est vraiment de l'underground. Un formidable moyen d'inculquer au citoyen l'amour du théâtre. Une forme d'initiation», s'en réjouit-il. Halim, le gérant de Dar Baya, semble être très friand de l'humour des jeunes d'Art-Room. Tout comme les nombreux clients qui ont participé aux «délires» des comédiens. Dar Baya se veut un espace de culture et de partage. Parallèlement à cette activité, les murs et autres recoins du restaurant ne dérogent pas à la règle. Puisque des expo-ventes sont présentées. Des tableaux et objets de l'artisanat local sont disponibles à la vente. Le café-théâtre restera ouvert jusqu'à la fin du mois sacré. «J'espère pourvoir poursuivre la démarche après Ramadhan en donnant ce genre de spectacles, par exemple, les vendredis», ambitionne Halim. S. A.