«On prend les mêmes et on recommence». C'est la caractéristique qui a longtemps distingué les productions cinématographiques, télévisuelles et théâtrales nationales. C'est les mêmes têtes qu'on revoyait. Et quand le temps aura fait son œuvre et marqué de son passage les visages, les maquilleuses entrent en scène pour vous transformer en un quinquagénaire ou en un fringuant jeune homme qui pourrait endosser le rôle prévu dans le scénario (les rôles de composition ne sont pas encore généralisés). Jusqu'aux années 1990, on avait les mêmes réalisateurs, les mêmes metteurs en scène et les mêmes acteurs qui tournaient et étaient distribués. Les quelques jeunes qui apparaissaient étaient recrutés au hasard des rencontres. Le théâtre est lui mieux loti. En plus d'un institut national des arts dramatiques et de la comédie (INADC) - aujourd'hui Institut supérieur des métiers et arts de la scène (ISMAS) - qui a été ouvert au lendemain de l'indépendance à Bordj El Kiffan, les petites scènes pour amateurs pullulaient. Les universités, les centres culturels et les maisons de jeunes étaient autant d'écoles de théâtre. C'étaient de véritables pépinières et réservoirs de talents. C'est d'ailleurs à ces jeunes talents que le 4ème art algérien doit sa survie durant sa traversée du désert, de la fin des années 1980 au début des années 2000. On a même vu une troupe de théâtre amateur représenter un théâtre régional dans un festival professionnel à Oran. Le cinéma et la télévision finiront d'ailleurs par puiser dans le réservoir du 4ème art. Le passage de la scène au plateau devient courant. Une bonne moitié des rôles dans les films télévisuels sont interprétés par des transfuges du théâtre. Quand ce n'est pas toute une troupe et son produit théâtral qui sont récupérés pour être adaptés ou plutôt transformés en sketch pour la télévision. Cependant, à l'exception de quelques comédiennes et comédiens formés à l'interprétation et pouvant donc jouer n'importe quel rôle et se mettre dans l'habit du bon comme du mauvais, du gentil comme du méchant, la plupart des jeunes acteurs que nous voyons dans les sitcoms et les films télévisuels produits ces dernières années sont enfermés dans le même registre. Ce «travers» est dû au manque de formation académique, mais aussi d'encadrement. Car les réalisateurs et les metteurs en scène sont des professeurs qui permettent aux acteurs et comédiens qu'ils dirigent ou pour lesquels ils écrivent, de mettre en pratique ce qu'ils ont acquis en les encadrant, les dirigeant et les corrigeant. Mais faudra-t-il encore que nos réalisateurs et nos metteurs en scène soient formés et aient les aptitudes nécessaires pour endosser un tel rôle. Apparaît ainsi l'importance des écoles de cinéma et des métiers de l'audiovisuel, de théâtre. Mais le besoin ne se limite pas à la construction d'écoles spécialisées. Il s'agit en fait de construire toute l'industrie qui fait tourner la machine de production de films et de pièces et qui tourne grâce à eux. Et ça c'est l'œuvre de l'Etat qui doit accorder au secteur de la culture les budgets nécessaires pour mettre en place toutes ces industries ou l'en décharger en encourageant les opérateurs économiques à investir dans ce domaine. Une école de cinéma ou un Actor's studio ne sont pas chose impossible si on s'en donne les moyens. Un producteur n'a-t-il pas, à lui seul, monté le projet d'une école de films animés, à laquelle il a vainement essayé d'intéresser les pouvoirs publics ? Si un «petit» investisseur l'a fait, d'autres mieux pourvus pourront certainement le faire également, pour peu qu'ils trouvent les mesures incitatives qui les convaincraient d'investir dans le domaine des arts, a fortiori l'Etat qui est le premier investisseur. Mais parallèlement aux écoles, instituts et cours de cinéma, de théâtre et d'arts qu'on érigera (on ose espérer que ça se concrétisera un jour prochain), il faudra reconstituer toute la filière, du producteur au consommateur. Il s'agira de construire des cinémas et des théâtres, d'avoir des maisons de production, de distribution et de diffusion, et de former les publics qui consommeront tout ce qui sortira de la machine de production… en somme une industrie culturelle productive et concurrentielle. H. G.