L'organisation de masse UNFA vit une ambiance particulière, rythmée par des scandales financiers, des détournements de biens de la collectivité à des fins personnelles, des passe-droits… autant de vestiges de la décennie noire où l'on comparaît l'ex-parti unique à un «homme malade» dont les biens suscitaient les convoitises et où tout était permis au nom de la situation sécuritaire. Le changement à la tête de cette organisation a donné lieu à une cascade de procès en justice, dont celui intenté contre l'ancienne secrétaire générale de l'UNFA, pour «détournement de terrain» attenant au siège national de l'organisation, qui avait tourné à son avantage puisqu'elle a été relaxée par le tribunal correctionnel de Mourad Raïs (Alger). Au-delà de ce qui s'apparente à des divergences personnelles, l'organisation féminine satellitaire du RND semble décidée à récupérer ses biens immobiliers, notamment l'ancien siège national de Ben Aknoun, sis chemin El Bakri (ex-Mackley). L'affaire a été portée devant la justice, laquelle a rendu son verdict : 43 familles sont sommées de quitter les lieux qu'elles occupent en toute illégalité à l'adresse susmentionnée, soit un grand immeuble qui trône sur un site de 6 000 m2, à côté de locaux commerciaux et d'un parking. Ces familles, dont des membres appartiennent à l'organisation, y habitent depuis 1994 mais ne disposent d'aucune pièce légale justifiant leur présence ni à titre de locataire ni à celui de propriétaire, selon les indications fournies par le secrétariat général de l'organisation. Jusque-là, les choses étaient réduites à une affaire interne. Mais il a fallu que deux membres de cette organisation décident de lancer des travaux de construction de bâtisses à usage d'habitation au sein même de ce site pour que la situation prenne une autre proportion. Des secrétaires nationales ne se ménageant point ont étalé leurs divergences sur la place publique. Hormis l'action introduite en justice, les autorités sont informées de la question. L'alerte est donnée à travers les médias qui ont mené campagne pour dénoncer le détournement du siège de Ben Aknoun. Pour en avoir le cœur net, nous nous sommes rendus sur les lieux, où nous avons remarqué la poursuite des travaux de construction sur R+1. Renseignements pris auprès de quelques jeunes attroupés au bas des escaliers de l'immeuble, le bâtiment ne sert plus de siège à l'UNFA. «Ils ont déménagé, les bureaux sont fermés», nous dira l'un d'eux. Quant au chantier y attenant, le maçon, qui venait de faire son entrée, nous dirigea vers l'une de ses «propriétaires», qui assure être en possession d'un «désistement de la SG» de l'organisation, affirmant que «personne parmi les habitants n'est contre cette construction». «Je n'ai fait que récupérer un terrain [de 75 mètres] qui servait de décharges.» «Au contraire, affirme-t-elle, il y a bien une autre personne, celle-là même qui a soulevé cette affaire. Elle a construit un F5 sur la terrasse de l'immeuble sans que personne n'y trouve rien à redire.» Selon notre interlocutrice qui a requis l'anonymat, le siège en question appartiendrait au FLN, en témoigne un arrêté de transfert de propriété du CNERU (ex-CADAT) au profit du parti, et aucun habitant du site n'a de document légal justifiant sa présence. «Pourquoi des femmes s'attaquent-elles à d'autres femmes ?» s'est-elle interrogée avant que nous la quittions avec la promesse de nous fournir des révélations à ce sujet. La secrétaire générale de l'UNFA, Nouria Hafsi, pour sa part, en nous affirmant d'emblée que l'affaire est en justice, enchaînera : «Nous n'avons pas été informées au préalable ; nous avons été mis devant le fait accompli. Cette question sera posée au prochain conseil national qui se réunira après la fête de l'Aïd El Fitr». Idem pour le local commercial construit sur le même site et qui est concerné par l'action en justice, nous assura-t-elle. «Le 10ème congrès a ordonné l'arrêt des travaux et la transformation des bâtisses en cours de construction en bureaux avec dédommagement des intéressées ; je me suis même engagée à leur rembourser les sommes déboursées, en vain», a ajouté Mme Hafsi. Et d'indiquer qu'«aucun désistement» n'a été fait au profit de quelque personne que ce soit, avant d'enchaîner : «Les gens ont posé le problème, mais je ne peux pas le faire, ce n'est pas mon bien personnel.» Une source au sein de l'UNFA nous confirmera que la justice a tranché et que les avis d'expulsion ont été délivrés pour la récupération des biens de l'organisation dont fait partie le site de Ben Aknoun en vertu de l'arrêté n° 312/81 datant de 1981 du wali d'Alger, dont nous avons pris connaissance. Ce document indique dans un de ses articles qu'«aucune construction ne sera édifiée sur ce terrain sans autorisation préalable délivrée par les services de l'urbanisme de la wilaya, conformément à la réglementation en vigueur». Une donne qui met en porte-à-faux avec la loi les auteures des constructions susmentionnées puisqu'elles ne disposent ni de permis de construire ni d'acte de propriété de l'assiette foncière.L'affaire est proche de son épilogue, puisque la justice a rendu son verdict dont l'exécution interviendra selon la procédure d'urgence tel que demandé par la partie plaignante, d'après les indications fournies par une secrétaire nationale de l'organisation féminine. A. R.