La rage humaine continue de constituer un problème de santé publique en Algérie. Mme Nadjia Benhabyles, épidémiologiste à l'Institut national de santé publique (INSP), considère que la situation est toujours préoccupante malgré la diminution du nombre des cas de décès enregistrés durant cette année 2009. L'année dernière (2008), il y a eu 27 décès. Il y en avait 32 en 2007, 16 en 2006, 32 en 2005, 24 en 2004, 12 en 2003, 24 en 2002, 20 en 2001, 16 en 2000, 18 en 1999 et 20 en 1998. «C'est une évolution en dents de scie», fait remarquer la spécialiste lors de son intervention hier aux travaux de la rencontre organisée au siège de l'INSP à l'occasion de la célébration de la Journée mondiale de la lutte contre la rage. Mme Benhabyles estime que, s'il y a une baisse, il faudrait d'abord vérifier que la chose est vraie. Qu'il n'y a pas eu de sous-déclaration : «Chaque fois qu'on me parle d'une baisse dans une région où le nombre est habituellement élevé, je me pose la question : Est-ce que tous les cas de morsure et de décès ont été déclarés ?» La spécialiste en épidémiologie indique que certaines régions de l'ouest du pays restent silencieuses : «Ce n'est pas que leurs structures de santé ne prennent pas en charge les personnes mordues mais le problème est qu'elles ne les déclarent pas. C'est cela qui fausse nos chiffres.» Ce qui l'amène à soulever un autre problème, assez grave : «Certaines personnes mordues ne consultent le médecin qu'une fois qu'apparaissent les signes de la rage. Ce qui est très dangereux pour la personne atteinte qui risque la mort à tout moment.» Plus précise, la spécialiste affirme qu'il ne faut pas attendre l'apparition des signes de la rage pour voir un médecin. Il faut consulter au moment même de la morsure. «Un jour de plus pourrait provoquer de grands dégâts». Une fois le diagnostic établi, le médecin traitant recommande la vaccination de la victime. C'est là qu'un autre problème se pose: «Certains malades se satisfont d'une seule dose de vaccin, d'autres y retournent pour d'autres doses mais ne respectent pas les échéances… et d'autres abandonnent carrément.» L'épidémiologiste recommande aux personnes mordues de suivre leur traitement jusqu'au bout. Et seul le médecin est habilité à se prononcer sur l'arrêt du traitement. Par ailleurs, souligne l'intervenante, «certains malades gardent le vaccin chez eux sans respect des règles». Elle témoigne qu'un homme a mis son vaccin dans un congélateur et l'a décongelé avant de le remettre au médecin pour qu'il le lui injecter : «Le vaccin a perdu son effet et l'homme est mort.» Un autre l'a mis dans un réfrigérateur qui était en panne. Même sort : «Ils lui ont injecté un vaccin périmé par sa propre faute. L'homme est décédé.» Pour prévenir ces dégâts, «il faut que ces vaccins soient gardés dans les structures de santé. Ne jamais les remettre aux malades». La bonne formation du personnel médical pour une bonne information des malades sera d'un grand apport pour les deux parties : «S'il y a une baisse, il faudra la maintenir par l'information et la formation.» Mme Benhabyles lance un appel aux unités de dépistage scolaire (UDS) pour fournir aux enfants un maximum d'informations sur la question surtout que ces derniers n'informent pas toujours leurs parents en cas de morsure. Un autre appel est lancé aux collectivités locales pour mettre à la disposition des bureaux d'hygiène communale (BHC) les moyens nécessaires pour faire leur travail correctement. K. M.