Entretien réalisé par Karima Mokrani La Tribune : L'arthrose est une maladie fréquente en Algérie. Pourriez-vous nous citer les facteurs qui favorisent son apparition? Pr Sabira Abtroun Benmadi : L'arthrose est plus fréquente chez la femme ménopausée que chez l'homme au-delà de 50 ans. Elle existe avant l'âge de 50 ans mais celle-ci est secondaire à des dysplasies architecturales, c'est-à-dire à des vices architecturaux de l'articulation. L'on trouve cette forme d'arthrose notamment chez les sportifs de compétition (suite à des interventions chirurgicales, traumatismes aux genoux…), ainsi que chez des jeunes obèses. L'arthrose secondaire est aussi due à des mouvements répétitifs comme c'est le cas, par exemple, chez les couturières et les porteurs de charges lourdes. Si ces derniers sont, de plus, obèses, cela va favoriser davantage la dégradation du cartilage. Ces personnes devraient être prises en charge avant la destruction de leur cartilage, surtout au niveau des articulations importantes comme le genou. Après 50 ans, ce sont donc les femmes qui sont plus touchées par l'arthrose...Environ 70% des femmes et 30% des hommes. Y a-t-il des régions plus touchées que d'autres ? En Algérie, nous avons plus de cas d'arthrose que dans les autres régions du Bassin méditerranéen. Il s'agit plus de gonarthrose que de coxarthrose. La gonarthrose touche essentiellement la femme obèse ménopausée. Elle est plus fréquente dans le Bassin méditerranéen qu'en Europe. Dans d'autres cas, l'arthrose est génétique. L'on trouve des familles d'arthrosiques. Le genou est-il la partie du corps la plus touchée par cette maladie ? L'arthrose ne touche pas que les genoux mais aussi les hanches, la région lombaire, la région cervicale, ainsi que les doigts. Généralement, chez la femme, il y a association de la tête des doigts et des genoux. L'arthrose des doigts va en association avec celle des genoux. Elle est très fréquente en Algérie par rapport aux autres pays. Pourriez-vous nous donner quelques chiffres concernant l'évolution de cette maladie ? Malheureusement pour nous, l'arthrose évolue très rapidement et souvent les patients ne consultent pas précocement. Dans les consultations en rhumatologique au CHU de Bab El Oued, nous avons pratiquement 10 patientes sur un total de 20 patients par jour qui viennent se plaindre de gênes fonctionnelles dues à l'arthrose. Parmi ces patientes, il y a les femmes ménopausées. Là, il y a un facteur hormonal dû aux œstrogènes. Ça agit sur le cartilage et ce dernier se dégrade progressivement. L'arthrose se guérit-elle ? L'arthrose peut être stoppée mais elle doit être suivie de façon précoce pour ne pas arriver à la gêne fonctionnelle ou à un handicap qui pourrait nous mener vers la chirurgie. Il y a des traitements symptomatiques qui sont les antalgiques, dont le paracétamol, ainsi que les anti-inflammatoires non stéroïdiens. Nous sommes en droit de donner ces anti-inflammatoires aux patientes lorsqu'elles souffrent d'énervement ou ont des poussées congestives. Parfois, cela ne suffit pas. Il faudrait stopper le génie évolutif de la maladie puisque nous avons ce chondrosite qui va être plus ou moins sollicité lors de l'usure du cartilage. Il faudrait donc donner un traitement d'appoint. Des traitements de fond existent pour stopper cette arthrose, nous les appelons les anti-chondrosites. Lorsqu'un patient ou une patiente a du liquide dans le genou, nous le ponctionnons et nous lui injectons de nouveaux traitements au niveau de l'articulation. Cela donne de bons résultats. Ces traitements existent-ils chez nous ? Ils existent. Qu'il s'agisse des anti-chondrosites ou de l'acide hyaluronique. Dans les traitements symptomatiques, il y a des patients que nous infiltrons par des corticoïdes. Il faudrait toutefois ne pas avoir la main trop lourde et ne pas dépasser trois infiltrations par an. Cela pour ne pas avoir des conséquences de déminéralisation ou des affections plus tard. Qu'en est-il de la mésothérapie ? Elle n'est pas curative. C'est un traitement de confort. Elle ne guérit pas l'arthrose mais elle aide le patient à supporter sa douleur. Dans les cas très compliqués, que faudrait-il faire pour alléger la douleur du patient ? Nous appelons nos orthopédistes à prendre en charge les cas d'arthrose précocement pour redresser les articulations. Dans les cas critiques (quant les articulations sont détruites), nous procédons à la pose de prothèses. Nos structures de santé disposent-elles suffisamment de moyens humains et matériels pour faire face aux différents cas d'arthrose ? Si je parle du CHU Bab El Oued, je dirai que nous avons une structure de rhumatologie très performante et nous avons un service d'orthopédie qui prend en charge les malades de façon assez satisfaisante. A combien estimeriez-vous les cas nécessitant des chirurgies ? C'est environ 20% des malades…C'est beaucoup. La thermothérapie est considérée comme un autre traitement de l'arthrose. Pourrez-vous nous donner quelques explications ? Les malades vont souvent pour des cures thermales. Ça leur fait beaucoup de bien sur le plan confort mais ça ne les guérit pas. Nous avons d'autres patients qui vont dans le sud du pays se faire enterrer dans le sable, ce qui est communément appelé «derma». Ça leur donne le confort. Le patient y croit fermement mais il est formellement interdit aux médecins de le conseiller à leurs malades, ceux en particulier qui souffrent de maladies chroniques tels que les cardiopathes, les hypertendus et les diabétiques. Que faire pour prévenir l'arthrose ? Il faudrait que la personne garde un poids idéal. Si elle est obèse, le médecin doit l'aider à maigrir. Il faudrait, par ailleurs, que chacun de nous fasse une demi-heure de marche tous les jours sur un terrain plat. Il y a aussi la gymnastique, sinon quelques exercices physiques à la maison. Si l'arthrose est déjà installée, il faudrait faire de la rééducation, avec l'aide d'un kinésithérapeute. L'arthrose est une maladie qui agit sur le psychisme de la personne et provoque l'asthénie. Elle peut être handicapante à long terme. L'idéal est de consulter rapidement une fois les symptômes apparaissent et qu'il y ait des cabinets pour cela dans toute l'Algérie.