Photo : Riad De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Le procès de l'affaire de blanchiment de capture de thon qui défrayait la chronique à Annaba a duré 2 jours pleins et le verdict ne sera rendu que le 13 octobre courant. Il faut dire que le magistrat désigné pour juger cette affaire connaît bien le monde de la mer et de la pêche, à croire qu'il a suivi une solide formation dans ce domaine puisque rien ne lui a échappé lors de l'audition des neuf accusés qui ont défilé à la barre. Les questions qu'il posait et les réponses données amenaient d'autres questions et qui ont déstabilisé aussi bien les accusés que la défense ont permis d'éclairer les zones d'ombre qui ont peu à peu remis les pièces du puzzle en place pour déterminer la responsabilité des uns et des autres dans cette affaire qui porte atteinte à l'économie nationale. Les 4 pêcheurs et l'armateur turcs sont passés un par un devant le magistrat qui, par toutes les questions posées, a pu établir que toute l'opération était illégale dans la mesure où ceux-ci n'avaient aucun document officiel ou convention quelconque les autorisant à pêcher dans les eaux territoriales algériennes ou à procéder au transbordement des quantités de thon supposées avoir été pêchées par les bateaux algériens El «Djazaïr II» et «Chahid Hasni». A un certain moment, le président du tribunal ordonna la suspension de l'interprète turc pour non- neutralité, celui-ci, prenant la défense de ses compatriotes, répondait à leur place. Un autre interprète, algérien, celui-là, prit sa place et l'audience reprit. M. Boudamous Fateh, secrétaire général du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques a été, lui, auditionné longuement par le magistrat qui revint sur la rencontre que celui-ci avait eu au siège du ministère avec l'armateur turc M. Oghlou Hassan Chirif. Circonstances, objet et accords au cours de cette entrevue ont été minutieusement «fouillés» par le magistrat qui put amener le haut fonctionnaire à reconnaître qu'il avait verbalement autorisé les Turcs à procéder au transbordement du thon dans les eaux territoriales à partir des bateaux algériens. M. Allem Kamel, directeur des pêches maritimes et océaniques (DPMO), passa, lui aussi, à la barre pour répondre aux griefs qui lui étaient reprochés ; il se défendit en rappelant que c'est lui-même qui avait adressé des écrits pour dénoncer cette opération et que sa suspension de son poste n'avait rien à voir avec cette affaire. Pour les 2 armateurs algériens, patrons des bateaux «El Djazaïr II» et «Chahid Hasni», le magistrat par ses questions précises a pu établir que l'opération de transbordement s'est faite au large dans les eaux territoriales algériennes. Ainsi, on a pu apprendre que le «Chahid Hasni» durant l'opération de pêche surveillait les filets pour prévenir les autres bateaux de passage et empêcher ainsi que les filets ne soient pris ou endommagés. Ce qui apparaît en filigrane dans toute cette affaire, c'est qu'on est tenté de croire que la pêche a été faite par les thoniers turcs et que la partie algérienne, en l'occurrence «El Djazaïr II» et son patron Saadoun Maamar, n'avait fait que vendre son quota de thon, ce qui revient à dire qu'«il a vendu le poisson dans la mer», comme l'illustre bien le fameux proverbe algérien. Le procureur de la République a requis contre le secrétaire général du ministère de la Pêche 8 ans de prison ferme, 6 ans contre le directeur des pêches maritimes et océaniques et 5 ans pour les accusés turcs et algériens assortis d'une amende 10 fois égale à la valeur marchande des 210 tonnes de thon pêchées dans les eaux territoriales algériennes. Le procureur réclamera aussi la saisie de tous les bateaux et des moyens de pêche utilisés lors de cette opération illicite. La défense représentée par 13 avocats commis par les Turcs et la partie algérienne n'avait pas vraiment convaincu puisque chaque partie avait tenté de charger l'autre. L'affaire a été mise en délibéré et le verdict sera prononcé le 13 octobre courant.