Un rassemblement se tiendra samedi prochain au Pont Saint-Michel à Paris, pour commémorer le 48ème anniversaire des massacres du 17 octobre 1961. Au moins vingt organisations françaises, des ONG, associations et partis politiques, se sont donné rendez-vous pour exiger la reconnaissance officielle par la France de ces crimes d'Etat perpétrés par les forces de police à l'encontre de pacifiques manifestants algériens. Depuis quarante ans, ce crime contre l'humanité commis par l'État français a été occulté, et ceux qui l'ont organisé n'ont jamais eu à rendre compte ni de leurs décisions ni de leurs actes. Et c'est pour en finir avec cette injustice ignoble qu'un appel a été lancé par le collectif de ces associations, lesquelles n'omettent pas de rappeler que, le 17 octobre 1961, des dizaines de milliers d'Algériens manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre-feu discriminatoire qui leur avait été imposé par Maurice Papon, préfet de police de Paris. «Ils défendaient leur droit à l'égalité, leur droit à l'indépendance et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes», soulignent d'une seule et forte voix toutes ces associations, parmi lesquelles l'association «17 octobre 1961 : contre l'oubli», présidée par l'historien et ami de l'Algérie Olivier Le Cour Grandmaison. «Ce jour-là, et les jours qui suivirent, des milliers de ces manifestants furent arrêtés, emprisonnés, torturés ou, pour nombre d'entre eux, refoulés en Algérie. Des centaines, victimes d'une violence et d'une brutalité extrêmes, perdirent la vie aux mains des forces de police, suivant les ordres de leurs supérieurs», ajoutent encore les signataires de l'appel qui estiment aussi que «48 ans après, la France n'a toujours pas reconnu sa responsabilité dans les guerres coloniales qu'elle a menées, en particulier en Algérie, non plus que dans le cortège de drames et d'horreurs qu'elle a entraînés ou dans ce crime d'Etat que constitue le 17 octobre 1961». Sur un autre chapitre, toutes ces associations déplorent également le fait que «certains osent encore aujourd'hui continuer à parler des bienfaits de la colonisation et des honneurs officiels sont rendus aux criminels de l'OAS. Malgré un discours, parfois ambigu et contradictoire, sur le passé colonial de la France, la politique menée par le président Sarkozy témoigne d'une réelle volonté de sa réhabilitation». Au sujet de la «Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie», projet figurant dans l'article 3 de la loi très contestée du 23 février 2005, les signataires de l'appel du 17 octobre, lesquels considèrent qu'une «telle fondation risque de se retrouver sous la coupe d'associations nostalgiques qui voudraient pouvoir exiger des historiens qu'ils se plient à la mémoire de certains témoins. Or, pour être fidèles à leur mission scientifique, les historiens ont besoin de pouvoir accéder librement aux archives, échapper au contrôle des pouvoirs ou des groupes de pression et travailler ensemble, avec leurs homologues, entre les deux rives de la Méditerranée». Dans ce sillage, ces organisations rappellent que «la nouvelle loi sur les archives votée en 2008 fixe des délais de consultation aux dossiers judiciaires, ce qui retardera en particulier les recherches sur l'organisation criminelle de l'OAS que certains, au sein même du parti du président de la République, cherchent à réhabiliter». Enfin, les signataires de l'appel du 17 octobre estiment en dernier lieu que «la recherche de la vérité s'impose pour cette période sombre de notre histoire comme elle s'est imposée pour la collaboration vichyste avec l'Allemagne nazie. Ce n'est qu'à ce prix que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la guerre d'Algérie, à savoir le racisme dont sont victimes aujourd'hui nombre de citoyens ou de ressortissants d'origine maghrébine ou des anciennes colonies». Voilà un appel que devraient entendre et prendre sérieusement en compte les autorités françaises. Mais, malheureusement, ces dernières ne s'illustrent que par leur nostalgie aveugle pour les horreurs du passé. En tout cas, samedi prochain, à Paris au Pont Saint-Michel, des centaines de manifestants rappelleront au gouvernement Sarkozy que nul ne peut se soustraire au devoir de vérité prescrit par la logique de l'Histoire. A. S.