Une quarantaine de chefs d'Etat et de gouvernement, dont le président Abdelaziz Bouteflika, assisteront demain, à Paris, au sommet fondateur de l'union pour la Méditerranée. Baptisé «Sommet pour la Méditerranée», ce rendez-vous est un retentissant succès diplomatique du président français Nicolas Sarkozy, même si l'avenir de l'entité qui va voir le jour est incertain. Mais les fonts baptismaux de l'UPM se présentent sous de bons auspices sur le plan diplomatique. Et le plateau que Nicolas Sarkozy va offrir au monde est presque inédit : en plus des chefs d'Etat des pays de l'Union européenne, des leaders, comme l'Israélien Olmert et le Syrien El Assad, qui n'ont toujours pas fait la paix, vont se retrouver autour de la même table, même si la photo de famille ne sera pas pour cette fois-ci. Du moins à en croire l'entourage du chef de l'Etat français. Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères, parle de «grand succès», tandis que son homologue espagnol, Miguel Angel Moratinos, souhaite, lui, que cette union soit un exemple de coopération «entre les deux rives de la Méditerranée». Il reste que, malgré leur présence au plus haut niveau, excepté la défection du guide libyen Mouammar Kadhafi, les pays du Maghreb attendent de cet ensemble régional un moyen de traiter d'égal à égal entre deux régions qui se sont toujours regardées en chiens de faïence, pour paraphraser un patron maghrébin qui s'est exprimé récemment sur la question. Seulement, avant cette grande kermesse diplomatique, le président français va offrir une place au soleil au chef de l'Etat syrien, Bachar El Assad, en le recevant dans le palais présidentiel aujourd'hui. Il en sera de même pour le chef de l'Etat égyptien, Hosni Mobarek, qui co-présidera le sommet de demain avec Nicolas Sarkozy. Au-delà des déclarations protocolaires et de l'éloquence des discours qui seront tenus demain, la question de l'aspect que va prendre l'union pour la Méditerranée reste posée. Non que l'administration de celle-ci soit problématique -et les choses vont être discutées dès demain- mais les contours pratiques restent inconnus, sinon flous. Seuls des projets environnementaux, à l'image de cet ambitieux projet de 2 milliards d'euros pour dépolluer la mer Méditerranée, sont connus. Et encore ! Puisque la seule initiative sérieuse, annoncée en fanfare hier, est cette annonce de deux organismes, l'un français (la Caisse des dépôts) et l'autre italien (la Cassa depositi e prestiti) de créer un fonds doté de 600 millions d'euros et baptisé Inframed. Il vise notamment à aider le secrétariat de l'union, que plusieurs pays se disputent, à fonctionner. Côté politique, on sait déjà que le président égyptien, étant donné son âge et sa proximité avec Israël, va conjointement présider au moins la cérémonie du lancement de l'UPM. Quant aux instances, si rien n'est encore tranché, selon les propos des responsables français, plusieurs pays se sont déclarés candidats. On parle du Maroc et de la Tunisie. Mais de Malte et, surtout depuis jeudi, de l'Espagne, puisque son chef de la diplomatie a dit souhaiter que «le siège du secrétariat soit établi à Barcelone», malgré le souhait de Sarkozy de voir les bureaux érigés dans un pays du Sud. Quant à l'Algérie, seuls les intérêts politiques semblent l'intéresser pour le moment. Parce que, malgré la confirmation de la présence du président Bouteflika, «les pourparlers» n'ont jamais cessé. Le porte-parole du gouvernement, Abderrachid Boukerzaza, a reconnu mardi dernier que l'Algérie «ne peut pas tourner le dos» à un projet qui concerne son espace naturel. Seulement, a précisé le ministre, certaines conditions, à l'image des problèmes de décolonisation en Palestine et au Sahara occidental ont été posées sur la table. D'autres pays, notamment ceux du Maghreb, qui semblent avoir une convergence de vues sur le sujet, expriment toujours des réticences. Ce qui, probablement, va encore rendre difficile l'avancée du projet de Sarkozy même si son conseiller, Henri Guaino, dans une interview publiée hier par le quotidien français le Monde, parle de «co-propriété» dans le fonctionnement de l'union pour la Méditerranée. Au-delà du protocole, l'union pour la Méditerranée connaîtra-t-elle le même sort que celui du processus de Barcelone ou celui de l'Union européenne ? A. B.