En attendant le 13 juillet, où quelque 40 chefs d'Etat et de gouvernement doivent assister au sommet fondateur de l'UPM, qui ambitionne de lier l'Europe et les pays de la Méditerranée dans de nombreux domaines, des éclairages seraient nécessaires sur les raisons, ainsi que sur les contreparties qui ont plaidé pour la participation de l'Algérie au projet de Sarkozy. Le président Bouteflika aura finalement maintenu le suspense jusqu'au bout pour annoncer sa décision de participer au sommet de lancement de l'Union pour la Méditerranée (UPM) qui aura lieu le 13 juillet à Paris. À moins d'une semaine de ce rendez-vous euroméditerranéen, le chef de l'Etat saisit l'occasion du sommet du G8 qui se tient depuis hier à Toyako, dans l'île d'Hokkaido, au Japon, pour rendre publique la position officielle d'Alger vis-à-vis de l'UPM. Et c'est au président français, Nicolas Sarkozy, initiateur du projet, à qui est revenu l'honneur d'en faire l'annonce en marge de la réunion Afrique-G8, organisée dans l'après-midi d'hier dans une luxueuse résidence d'Hokkaido. “Le président Bouteflika m'a demandé de rendre publique sa réponse. Il sera présent au sommet de l'UPM”, a déclaré Nicolas Sarkozy aux journalistes à l'issue de son entretien avec le président Bouteflika. Le chef de l'Etat français a, en outre, qualifié la participation de son homologue algérien au sommet de Paris “d'extrêmement importante”, avant de préciser, mais sans donner d'autres indications, que “l'Algérie joue un rôle central au sein de l'UMP, c'est un élément décisif du succès de ce sommet”. Et d'ajouter : “Le président Bouteflika a une expérience, une autorité qui font que sa présence autour de la table pour le sommet de l'Union pour la Méditerranée est indispensable au succès de ce sommet.” Nicolas Sarkozy a également annoncé que le président Bouteflika se rendra, en 2009, en visite officielle en France. À Toyako, le président Bouteflika “m'a également indiqué qu'il viendrait en visite d'Etat en France dans le courant de l'année 2009”, a ajouté Nicolas Sarkozy. Interrogé sur le retard dans l'annonce de la décision d'Alger de prendre part au sommet de Paris, le président Bouteflika a déclaré : “Il n'y avait pas de réticences, il n'y avait que des pourparlers.” Un langage très diplomatique qui cache mal dans les faits les hésitations de l'Algérie à cautionner un processus politique qui, au-delà de ses arrière-pensées de normalisation avec Israël, ne lui permet pas de briller, vu sa position géostratégique, au sein du bassin méditerranéen. Il faut dire que l'absence d'un poste au sein du secrétariat de l'UPM a suscité la colère d'Alger, d'autant que des informations non démenties par l'Elysée font état d'un partage des rôles entre le Maroc, la Tunisie et l'Egypte. Et à quelques jours de ce rendez-vous parisien, aucune indication officielle n'est venue rassurer les Algériens sur leur place réelle au sein de l'UPM. De là, des questions se posent. En premier lieu, il s'agit de savoir si le président Bouteflika a obtenu des assurances sur la fonction exacte de l'Algérie dans le projet. Ensuite, le fait que Sarkozy l'annonce avec l'autorisation de Bouteflika lui permet de briller. Ainsi, une autre interrogation devient légitime. Pourquoi alors faire mousser le chef de l'Etat français sans contrepartie visible dans des “pourparlers” où, jusqu'à preuve du contraire, c'est Paris qui en sort super gagnant ? On sait que le président Bouteflika avait fait savoir aux représentants du président Sarkozy, venus à Alger pour le convaincre de participer au sommet de Paris, qu'il est hors de question que l'Algérie donne son accord sans contrepartie palpable bénéfique pour son économie d'abord et son image de pays émergent au sein de la Méditerranée. Et les conditions d'Alger sont connues. De Michèle-Alliot Marie jusqu'à François Fillon, en passant par Bernard Kouchner, l'accord d'Alger a buté contre le partage des rôles dans l'organigramme du projet, le règlement du dossier du Sahara occidental, ainsi que contre la question de l'histoire et les crimes commis pendant la colonisation, même si, sur ce point bien précis, des progrès ont été réalisés dans l'évolution de la position de Paris. Enfin, Alger avait également conditionné sa participation par le règlement de la question palestinienne. L'Algérie voit mal, en effet, la remise en cause effective et graduelle de la politique arabe de la France au profit d'Israël qui a été totalement intégré dans le projet de l'UPM, sans aucune contrepartie pour le respect des droits légitimes du peuple palestinien. Par ailleurs, et après avoir exprimé son intérêt pour la version initiale du projet, le président Bouteflika avait été déçu par l'arrimage de ce projet à l'Union européenne dans son ensemble, et non seulement aux pays de l'UE riverains de la Méditerranée, considérant, à juste titre, que les processus menés par l'UE depuis Barcelone n'ont rien apporté à la rive sud de la Méditerranée dont les populations souffrent de marginalisation du fait des sévères politiques de visa imposées par Schengen et le durcissement des lois sur l'immigration. Ainsi, depuis les visites du MAE et du chef du gouvernement français à Alger, tout restait à discuter. Qu'est-ce qui a alors pu changer et qu'est-ce qu'a donc pu donner Paris pour que le président Bouteflika dise oui à l'UPM ? Les observateurs s'interrogent aujourd'hui si la présence de Bouteflika au sommet du 13 juillet, qui verra la participation du Premier ministre israélien Ehud Olmert, responsable de la guerre menée contre le Liban en 2006, serait une négation de notre position sur l'Etat hébreu depuis le déclenchement du conflit palestinien, d'autant que ce dossier sensible figure dans le palmarès des conditions d'Alger. Sur ce point, le président Bouteflika a-t-il obtenu des garanties sur la prochaine implication de la France dans le règlement effectif de ce conflit vieux de 60 ans ? Rien n'est moins sûr, si l'on se réfère à la position annoncée par le président Sarkozy lors de son déplacement en juin dernier en Israël. Ainsi, dans le cas où Alger accepterait une normalisation graduelle avec l'Etat hébreu en fonction de nouvelles donnes non encore disponibles, pourquoi alors avoir interrompu le processus de contacts depuis la fameuse rencontre Barak-Bouteflika au Maroc lors des funérailles du roi Hassan II ? Pour l'heure, les diplomates s'accordent à dire que l'UPM est dans les faits une coquille vide qui ne risque pas d'apporter grand-chose aux pays de la rive Sud dès lors que les pays maghrébins bloquent toujours dans la construction de l'UMA. D'ailleurs, excepté l'intégration d'Israël dans un processus politique en Méditerranée, il est fort improbable que l'UPM puisse engendrer des répercussions économiques qui ont vocation de tirer la rive Sud dans le giron des pays développés. En tout cas, d'ici le 13 juillet, il faudrait très probablement des éclairages sur la contrepartie de la participation algérienne à l'Union pour la Méditerranée. S. T.