Photo : Riad Par Abdelghani Aïchoun Le football national vit une crise très profonde depuis des années. Et rien n'indique qu'on a entamé la courbe ascendante. A chaque fois qu'il y a une réunion, une conférence ou «brainstorming», comme cela a été organisé par le ministère de la Jeunesse et des Sports, durant le mois de mai dernier, les «spécialistes» de la balle ronde arrivent au même constat et «recommandent» les mêmes «actions salutaires». Mais peu de temps après, les amoureux du football se rendent compte, en général, que rien n'a changé et qu'on continue à «bricoler». Même l'équipe nationale, censée bénéficier de toute la rigueur et du sérieux possible, n'est pas en reste. Elle n'a pas de centre de préparation et souvent des polémiques éclatent à propos de l'organisation, des primes et autres. Pour dire que rien ne va dans notre football et ce ne sont pas les titres ou bonnes performances arrachés par certains clubs, comme c'est le cas de l'Entente de Sétif qui a remporté pour la seconde fois consécutive la Ligue arabe des champions, qui vont le contredire. La médiocrité dans laquelle gît notre football est due à plusieurs facteurs. Il y a l'absence d'infrastructures, l'abandon de la formation au profit du recrutement des joueurs à coups de milliards, la corruption, la mauvaise préparation, l'absence de stabilité et beaucoup d'autres paramètres. Mais, ce que n'évoquent pas souvent la majorité des dirigeants, préférant se cacher derrière ces quelques «causes», c'est l'absence d'une gestion professionnelle de nos clubs. Pour être plus précis, il est question d'une gestion opaque de l'argent du football. A chaque fois que les responsables étatiques émettent des analyses ou font des constats, ils «oublient» souvent de mettre l'accent sur cette façon de gérer l'argent des clubs. Et à partir de là, une question s'impose : un bénévole, puisque la totalité de nos présidents de clubs le sont, a-t-il le droit d'avoir sous sa main une dizaine ou même une vingtaine de milliards ? Depuis quelques années, certains dirigeants sont arrivés à gérer même beaucoup plus. Est-il normal qu'une personne non qualifiée (puisqu'il est clair que, pour bien gérer d'aussi importantes sommes d'argent, il faut une certaine qualification) puisse avoir le droit de disposer comme il le veut de ces sommes faramineuses pour la simple et unique raison qu'il a été élu par une assemblée générale dont la composante est aussi sujette à des questionnements ? Bien évidemment, la réponse serait forcément non. Et c'est pour cela que des joueurs, dont le niveau n'est pas fameux -sinon on aurait au moins une bonne équipe nationale- se font acheter à 1,6 ou 1,4 milliard de centimes sans que cela provoque la moindre remarque. Sur quelle base des dirigeants ont-ils évalué la valeur de tel joueur ? Des attaquants ont signé des contrats à plus d'un milliard alors que, durant la saison précédente, ils n'ont marqué qu'un ou deux buts. Bien sûr, dans certains cas, les sommes annoncées sont fausses. La majorité des transactions se font dans le flou le plus total. On s'en souvient, il y a quelques années, un attaquant du championnat national avait déclaré, après avoir changé d'air, qu'il devait à son ancien président une troisième tranche. Et cette dernière ne lui a pas été payée parce qu'elle n'a pas été «déclarée». Le joueur n'a eu aucune crainte à dire que cela n'a pas été fait pour ne pas s'acquitter des devoirs fiscaux. Mais le plus grave, c'est que cette déclaration est passée presque inaperçue. L'affaire n'a pas été «suivie». Les autorités compétentes ne s'en sont pas ou n'ont pas été saisies. Comme si la chose était tout à fait normale. Et ce n'est qu'un aperçu de certaines pratiques de notre football. Le gros réside dans l'argent du sponsor et des «bienfaiteurs». L'argent du sponsor est-il contrôlé ? Il est clair que, du moment que beaucoup d'argent transite par nos clubs, du moins pour la majorité d'entre eux –les responsables d'un club de division deux qui a accédé cette saison en division une ont déclaré que l'accession leur avait coûté près de 20 milliards de centimes–, le meilleur moyen de pouvoir contrôler toute cette manne financière est de leur faire changer de statut. Un «club sportif amateur (CSA)» ne peut fonctionner avec 20 ou 30 milliards de centimes. Il est vrai que les uns diront que même ces sommes-là ne suffisent pas pour arriver par exemple à jouer les premiers rôles sur le plan continental, mais ce qui est certain, logiquement, c'est qu'une entité ayant le statut d'amateur ne peut en aucune manière fonctionner avec autant d'argent. Si les clubs se sont «professionnalisés» sur le plan financier, ils doivent aussi l'être sur le plan administratif, organisationnel, juridique et autres. Donc, la transformation des clubs d'une «CSA» à une «SPA» ou «SARL», par exemple, pour être traitée en tant qu'entreprise qui fait rentrer (sponsor) et sortir (dépenses) de l'argent, est plus que nécessaire. On s'en souvient, le gouvernement avait promulgué, il y a de cela trois ans environ, des textes de loi allant dans ce sens. Mais les textes d'application tardent à venir. De plus, dans ces mêmes textes, on ne force pas les clubs à changer de statut. Ne le feront que ceux qui le veulent. Les autres sont libres de continuer à fonctionner dans «l'opacité». Donc, pour en revenir à l'argent du sponsor, pratiquement aucun club ne rend des comptes détaillés sur sa gestion financière. L'opinion publique ne sait jamais combien exactement donne telle entreprise ou homme d'affaires à tel club, combien réellement tel joueur a été recruté, quel est son salaire, etc., des détails qu'on ne retrouvent pas même dans les bilans financiers de certains clubs. Cela n'empêche pas les dirigeants concernés d'avoir le «quitus» des membres de l'assemblée générale. Si un président d'une équipe est questionné sur son budget, il se contente de déclarer qu'il a dépensé –ou qu'il lui faut– 10, 15 ou 20 milliards de centimes. Sans plus. Bien sûr, ce ne sont pas tous les dirigeants qui versent dans des opérations ou gestions douteuses. Mais, pour lever toute équivoque, une plus grande rigueur dans le contrôle est plus que nécessaire. Et c'est à partir de là qu'on entamera la courbe ascendante. Sinon, comment explique-t-on le fait qu'un «patron–bénévole» de club dise qu'il a dépensé pas moins de 20 milliards de centimes, mais n'arrive pas à fonder une école de formation footballistique ? Former de jeunes garçons coûterait combien ? Un milliard, deux, pas plus en tout cas. Donc, le problème réside en premier lieu dans la gestion et l'organisation. C'est la première tâche sur laquelle devrait se pencher les autorités compétentes. Il n'est pas sensé de mettre de l'infrastructure et de l'argent supplémentaire, comme le réclament la majorité des présidents de clubs qui demandent plus d'aides de la part de l'Etat, entre les mains de personnes qui ont déjà prouvé toutes leurs limites. Il faut, avant tout, mettre sur pied un système efficace de contrôle de l'argent du sponsor pour, par la suite, verser des budgets supplémentaires dans les caisses de ces mêmes équipes. Sinon, ce serait comme jeter l'argent par les fenêtres.