Photo : Riadh De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur Un grand rassemblement est prévu aujourd'hui à 18 h 30 devant la brasserie Lipp du quartier St Germain de Paris pour commémorer le 44ème anniversaire de l'enlèvement de Mehdi Ben Barka. L'Institut Mehdi Ben Barka, dirigé par son fils Bachir, plusieurs dizaines d'associations de défense des droits de l'Homme et d'organisations démocratiques ont appelé à venir rendre un hommage au grand révolutionnaire marocain tombé dans un guet-apens devant cette brasserie le 29 octobre 1965. Embarqué dans une voiture par deux policiers français aux ordres du pouvoir marocain, il est amené dans une villa de Fontenay-le-Vicomte. On ne le reverra jamais. Naît alors l'affaire Ben Barka, l'un des grands scandales de la Ve République française qui, depuis, empeste périodiquement les relations franco-marocaines. Il y a eu un procès retentissant en 1967. Des policiers ont été condamnés à des peines de prison. Le général Oufkir, bras droit du roi Hassan II, commanditaire de l'opération (et le roi ?) et qui aurait torturé et assassiné Ben Barka, ainsi que quatre membres de la pègre parisienne -réfugiés au Maroc- furent condamnés à la perpétuité par contumace. Mais toute la lumière n'a pas été faite sur le crime et l'enquête judiciaire déclenchée en France est, 44 ans après, toujours en cours. Qui est le véritable commanditaire de l'assassinat de Ben Barka ? Quelles sont les circonstances exactes de son exécution ? Où est enterré ou incinéré son corps ? C'est la réponse à ces questions qui est au centre de l'enquête que mène le juge d'instruction Patrick Ramaël, qui s'est rendu plusieurs fois au Maroc sans rencontrer la coopération des autorités locales. Rabat est restée sourde à ses commissions rogatoires pour entendre notamment le général Benslimane, chef de la gendarmerie royale, et Miloud Tounsi, alias Chtouki, ancien des services secrets marocains. Le 23 octobre 2007, le juge Ramaël a signé cinq mandats d'arrêt internationaux visant ces deux personnes ainsi que Abdelhak Kadiri, ancien patron des renseignements militaires, Boubeker Hassouni et Abdelhak Achaachi, deux agents du Cab1, membres des unités des services marocains ultra secret. Fin septembre dernier, la ministre française de l'Intérieur, Mme Alliot Marie, donne son feu vert pour la diffusion des mandats d'arrêt. Mais quelques jours plus tard, le parquet de Paris décide de les bloquer, Interpol ayant demandé des précisions «afin de rendre les mandats d'arrêt exécutables». L'avocat de la famille Ben Barka, Maurice Buttin, et de nombreux médias soupçonnent une intervention politique pour éviter un différend diplomatique entre la France et le Maroc. Ce qui fait dire à la Ligue française des droits de l'Homme dans son appel au rassemblement de ce soir : «Soit lesdits mandats étaient entachés d'irrégularité, et il faut alors s'interroger sur l'incompétence du parquet de Paris et de la chancellerie qui, dans un premier temps, les ont diffusés, soit il s'agit purement et simplement d'une nouvelle soumission du parquet à la volonté du pouvoir politique». Dans les deux cas, estime la LDH, c'est la crédibilité de la justice française qui est mise en cause. Le rassemblement du 44ème anniversaire de l'enlèvement de Ben Barka est placé sous le signe d'un combat «pour la vérité et la justice, contre l'a teinte à la mémoire» pour celui qui fut un grand militant du mouvement de libération marocain, un des leaders révolutionnaires du tiers-monde. Celui qui fut condamné à mort en 1963 par Hassan II pour avoir dénoncé l'agression militaire contre l'Algérie (dite la guerre des frontières) qui venait juste d'accéder à l'indépendance après un douloureux combat libérateur.