Photo : S. Zoheir Par Hassan Gherab «Une bibliothèque dans chaque commune», des bibliobus pour toutes les wilayas dont les communes, justement, ne sont pas encore dotées de bibliothèques, «un théâtre dans chaque ville», des festivals un peu partout à travers le pays, des tournées de semaines culturelles de wilayas, des budgets pour la restauration et/ou la sauvegarde de sites et de biens patrimoniaux longtemps délaissés dans des régions reculées… Tous ces projets et opérations initiés par le ministère de la Culture ou ses démembrements au niveau local donnent l'impression que la culture est omniprésente et qu'elle s'est étendue aux recoins les plus lointains de cette vaste Algérie. Mais à y regarder de près, on se rendra vite compte qu'il n'en est rien. Les bibliothèques existantes ne trouvent pas de lecteurs, le patrimoine est toujours inexploité, les théâtres régionaux peinent à remplir un calendrier d'activités avec de nouvelles productions, les salles de cinéma sont presque toutes fermées -les rares qui sont actives ne sont que chichement alimentées par l'industrie cinématographique nationale balbutiante-, et entre un festival et un autre, c'est le vide sidéral. Ce constat ne concerne encore que les grands centres urbains dotés d'infrastructures, et qui sont censés abriter une activité artistique foisonnante et une vie culturelle riche. Or, c'est loin d'être le cas. Pour s'en convaincre, il suffit de prendre pour référence la capitale, qui, en tant que telle, devrait être un pôle culturel irradiant sur toute la région, au-delà des limites de la wilaya, voire des frontières du pays.Petit tour d'horizon. Au cœur de la ville, en dehors de la culture institutionnelle et des quelques rendez-vous culturels, tels les festivals, les expositions et les concerts, on n'a rien à se mettre sous la dent le reste du temps. Combien de fois n'avons-nous entendu des parents demander au guichetier d'une salle de spectacle s'il n'y avait pas une pièce de théâtre, un film ou un spectacle de prévu pour les enfants. Et combien de fois ne se sont-ils entendu répondre par la négative. Même déconvenue pour les grands. L'agenda culturel est le plus souvent très aéré, léger. A noter que le peu d'activités qu'il y a sont organisées dans quelques structures concentrées dans le centre de la ville. Les cinémas de quartier ont depuis belle lurette disparu du paysage. Quant aux théâtres, hormis le TNA, il n'en existe aucun ailleurs dans la ville et sa périphérie. En dehors d'Alger, les citées populeuses, les communes et les bourgs qui ceinturent la cité sont de véritables «no land culture», comme les a si justement qualifiés l'un de nos aînés. Ni infrastructures ni vie culturelle. Les jeunes et les moins jeunes errent à longueur d'année sans savoir que faire de leur temps libre si ce n'est le regarder passer en sirotant un caoua et en grillant une cigarette dans un café. L'idée de voir un film, une pièce de théâtre, un spectacle ou une exposition ne leur vient même plus. Si d'aventure ils y pensent, ils seront bien vite refroidis par la réalité, leur réalité : dans leur village, c'est le désert et pour descendre en ville, c'est toute une expédition avec le problème des transports. Et ça se passe dans la capitale. C'est dire le drame de la culture dans l'arrière-pays et ces grandes étendues du Sud. Les responsables locaux et les associations ont du pain sur la planche s'ils entendent assumer la mission qui leur est impartie. Quant à l'Etat, il doit, en plus de revoir à la hausse le financement de la culture, établir un cahier des charges et bien choisir les responsables qui auront à le concrétiser, avec obligation de résultats, pour que la culture de proximité, la socialisation de la culture soient non plus un vain slogan, mais une réalité quotidienne pour tous les Algériens.