C'est dans une ambiance de vives protestations que le sommet de Copenhague a accouché d'un «accord», selon certains chefs d'Etat, alors que pour d'autres il a abouti à un pur échec. Il n'en demeure pas moins que la conférence des Nations unies, dont le secrétaire général Ban Ki-moon a estimé que cet accord constitue «une première étape essentielle», a adopté par une procédure spéciale la convention climat. Ainsi, après deux semaines de tractations chaotiques, un sommet à 130 chefs d'Etat, la conférence de l'ONU a «pris note» d'un accord qui n'a eu que les voix des chefs d'Etat de 28 pays industrialisés et émergents. «Ils ont trouvé un moyen de donner une reconnaissance officielle à cet accord de telle manière que ceux qui étaient contre ont été persuadés de ne pas s'y opposer», a déclaré David Doniger, expert au Centre climat du Natural Resources Defense Council. Cet accord formel, loin de faire l'unanimité au sein des participants, prévoit de limiter le réchauffement planétaire à 2 degrés par rapport aux niveaux pré-industriels. Il prévoit également 30 milliards de dollars à court terme (années 2010, 2011 et 2012), puis une montée en puissance pour arriver à 100 milliards de dollars d'ici à 2020, destinés en priorité aux pays les plus vulnérables afin de les aider à s'adapter aux impacts du dérèglement climatique. Mais les objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre pour les pays industrialisés à l'horizon 2020 ne seront décidés qu'en janvier, selon des diplomates. C'est loin de répondre aux attentes. Ce projet a d'ailleurs provoqué l'ire de plusieurs délégués de pays du Sud qui ont vivement protesté hier en ouverture de la séance plénière de la conférence de l'ONU sur le climat, jugeant ledit texte «irrespectueux» du processus onusien. Le délégué de l'archipel de Tuvalu, dans le Pacifique, l'a comparé «à une poignée de petite monnaie pour trahir notre peuple et notre avenir». Les petites îles militent pour que le réchauffement soit limité à 1,5°C, sous peine d'être envahies par les flots. La Bolivie s'est dite «offensée par les méthodes employées», accusant le président de la conférence d'avoir «fait obstacle à la démocratie et à la transparence». La déléguée vénézuélienne a expliqué : «Il n'y a aucun consensus autour de ce document, nous ne voulons pas en discuter». Le représentant du Soudan a comparé le plan climat des chefs d'Etat à l'Holocauste. Cette déclaration, assène-t-il, «appelle l'Afrique à signer un pacte suicidaire». Quant aux principaux pays émetteurs de gaz à effet de serre, ils semblent satisfaits de cet accord peu contraignant. Le Premier ministre du Canada, Stephen Harper, a jugé l'accord «complet et réaliste», et son homologue australien a qualifié les conclusions du sommet de «progrès». De leur côté, les présidents américain Barack Obama, et sud-africain Jacob Zuma, le Premier ministre chinois Wen, et son homologue indien Singh, ont estimé qu'un «accord significatif» avait été obtenu à Copenhague. Pour la présidence suédoise de l'Union européenne (UE), l'accord de Copenhague est «satisfaisant» en dépit de «certaines insuffisances». La Grande-Bretagne a exprimé son «optimisme». L'accord de Copenhague n'était «pas parfait» mais c'était «le meilleur accord possible», a jugé le président français Nicolas Sarkozy, qui a estimé que l'absence de l'objectif de 50% de réduction des émissions d'ici à 2050 constituait une «déception». Bien évidemment, les ONG environnementales ont immédiatement dénoncé à l'unisson un véritable fiasco : «Pas de contrainte, aucun objectif à 2020 ni à 2050 : difficile d'imaginer pire conclusion pour la conférence de Copenhague», déplore Greenpeace. «Le résultat est aussi désespérant que les enjeux étaient d'importance. La Chine et les Etats-Unis sont les coupables numéro un, mais l'Europe a péché par sa désunion et son absence de leadership», a souligné Mme Sonzogni, porte-parole des Verts français. Le tollé causé par la convention formelle de Copenhague est justifié. Il suffit, pour en être convaincu, de rappeler que les deux degrés en moins décidés par le sommet ne devraient pas sauver le monde, selon les scientifiques. C'est donc là une occasion manquée. Reste à espérer que le président mexicain, Felipe Calderon, qui présidera la prochaine conférence l'année prochaine à Mexico, réussisse à conduire l'accord de Copenhague vers un traité contraignant au plus tard fin 2010. H. Y.