Entretien réalisé par Wafia Sifouane LA TRIBUNE : Vous venez d'animer une résidence de formation en musique jazz à Alger en partenariat avec l'association Lima. Que pensez-vous de cette expérience ? Fabrizio Cassol : Je dirais que c'était excellemment bien (rire). Je n'appellerais pas cela une formation parce que cette résidence a réuni tous les bons éléments pour réfléchir et débattre sur la musique. Il y avait des jeunes de tous les niveaux, des débutants, des professionnels et beaucoup de surprises. Tous ces musiciens étaient complémentaires. Pour moi, c'est une victoire. Il y avait des jeunes qu'ont avait déjà croisés et d'autres qu'on découvrait pour la première fois, à l'image de Kheireddine M'Kakiche. Avec ces jeunes-là, nous avons pu approcher plusieurs styles : de la musique classique, afro, indienne et jazz. C'était vraiment bien de pouvoir vivre une telle expérience étalée sur trois jours. Cette résidence vous a, certes, permis d'initier des musiciens au jazz mais que vous a-t-elle apporté de plus ? Il est vrai que nous avons touché à plusieurs choses mais cela s'est fait autour d'une idée centrale, celle de pouvoir faire de la musique collectivement car il est très difficile de constituer et de vivre avec un groupe. Akamoon a une façon très spéciale de fonctionner. Pour nous, il faut partager d'abord, comprendre et expliquer la musique. On a réussi à trouver des points communs entre les civilisations. Durant cette résidence, il y a eu un brassage entre le rationnel et l'intuitif et c'était une bonne occasion de pouvoir soulever tout cela. A travers vos divers voyages en Algérie, vous avez sûrement pu remarquer une certaine activité artistique dans votre style. Que pensez-vous de cela et de nos jazzmen ? Extrêmement éveillés ! Les musiciens algériens sont toujours en quête de perfectionnement et à l'affût du savoir. Des qualités qui on permis à cet échange d'avoir lieu. Depuis ma première visite en Algérie, j'ai remarqué qu'il y a une force qui se développe, par exemple de nouveaux percussionnistes, des saxophonistes et des guitaristes de haut talent, chose qui n'existait pas avant. Ces jeunes sont là, ils ont du talent mais il leur faut développer leur propre technique. Je dirais que chacun a sa manière d'évoluer. J'ai été fort impressionné par Kheireddine, car il a quelque chose d'universel en lui. Vous êtes un vieil ami du Dimajazz. Avez-vous connu le regretté Aziz Djemmam ? Je me rappelle très bien notre rencontre en Tunisie. Il m'avait abordé puis quelques mois après il est venu frapper à ma porte. J'étais en Inde… C'était incroyable ! Il est tout simplement venu me demander de participer à une résidence, mais comme il était difficile de concrétiser cela en Algérie, on a opté pour la Tunisie. A partir de là, le rêve de créer un événement jazz en Algérie est né. En Tunisie, tous les membres fondateurs du Dimajazz étaient présents et ont largement parlé de ce projet. Depuis, les rencontres se sont enchaînées pour aboutir à un festival miraculeux ! Après la mort tragique d'Aziz, l'avenir du festival est devenu un mystère et c'était le sujet de tous nos débats. Mais il y a eu de l'énergie et de la volonté qui ont permis la pérennisation du Dimajazz. Aziz Djemmam et moi étions très proches au-delà des liens de la musique. Pour moi, Aziz a beaucoup apporté et, sincèrement, je le vois tous les jours. Il ne m'a jamais quitté. W. S. Qui est Akamoon ? Composé de Fabrizio Cassol au saxophone, Stéphane Galland à la batterie et Michel Hatzigeoriou à la basse, le groupe Akamoon s'est distingué par ses compositions originales et ses collaborations exotiques. Notamment avec des percussionnistes indiens et des musiciens africains. La dernière en date s'est faite avec Baba Sissoko et Black Machine originaires du Mali. Avec une musique peinte au rythme de son voyage autour du monde, Akamoon est une preuve que les frontières «musicales» sont faites pour être franchies. Toujours à la quête de nouvelles aventures, les membres d'Akamoon n'ont pas hésité à devenir les parrains du festival Dimajazz de Constantine. Ils alimentent régulièrement les activités de l'association Lima à travers des master class, des résidences de formation sans oublier leur amitié. C'est avec leur nouvel album qu'ils ont rendu visite à Algérie, un opus aux saveurs africaines où l'auditeur se laisse emporter au son des percussions africaines, Tamani, ngni, mêlés à d'authentiques sonorités jazzy… Un régal !