De nombreuses personnes parmi celles qui souffrent de problèmes respiratoires et/ou allergiques s'occupent mal de leur maladie. Elles consultent rarement un médecin spécialiste, ne prennent pas régulièrement les médicaments prescrits… et se laissent aller. Contraintes et abandon de traitement «Il faut bien mourir de quelque chose», entend-on dire des personnes qui préfèrent abandonner leur traitement plutôt que de se rendre tous les deux mois chez un médecin pour un même examen et une même ordonnance au prix d'une longue journée d'attente dans une salle exiguë et froide et une somme de 800 DA la consultation (lorsqu'il s'agit d'un cabinet médical privé). «A quoi cela sert de mourir en bonne santé ?», disent d'autres, à l'exemple de ces asthmatiques qui continuent de fumer pour «se libérer» d'un stress «trop difficile à supporter». Chacun y va de ses arguments pour justifier son refus de suivre un traitement. Beaucoup se réfugient derrière le manque de temps mais aussi d'argent. Les consultations et les soins médicaux coûtent trop cher pour se les permettre de façon régulière et continue, alors que la surcharge de travail, dans les entreprises publiques et privées, ne permet pas les absences. La situation est encore pire lorsqu'il s'agit de se soigner dans des établissements étatiques où la population malade est en augmentation constante si bien qu'il est nécessaire de s'y présenter très tôt le matin pour s'assurer une consultation efficace chez le médecin. C'est presque un travail à la chaîne pour pouvoir répondre à la demande croissante. Ce qui est inquiétant dans tout cela, c'est que les médecins spécialistes, pneumo-phtisiologues et allergologues, ne consacrent pas assez de temps pour comprendre leurs patients et leur expliquer leur maladie de façon à les amener à contribuer à sa bonne prise en charge. Même pas pour expliquer la façon de prendre ses médicaments. Le médecin s'occupe de la maladie et non du malade. Il s'occupe du côté purement médical mais non psychologique, encore moins social. Pourtant, chaque malade est un cas à part. Chacun a sa manière d'accepter ou de rejeter son problème de santé. En effet, bien que l'asthme, la bronchite chronique ou toute autre maladie respiratoire ou allergique sont loin d'être aussi contraignants que le diabète, l'hypertension… voire le cancer ou le sida, il n'en demeure pas moins que la prise en charge psychologique du malade est d'une grande importance pour s'assurer un bon processus de guérison. Car, au fond, le mal ne réside pas tant dans la maladie que dans l'acceptation de cette maladie. Etre obligé d'avoir sur soi la Ventoline, se couvrir le nez et pratiquement tout le visage et tout le corps chaque fois qu'il commence à faire frais, se priver des glaces et des boissons glacées en plein mois de juillet et d'août… ne sont pas des choses faciles. C'est contraignant et cela devient un complexe pour de nombreuses personnes. C'est, parfois, déprimant. Apprivoiser la maladie au lieu de lui résister Pour éviter, justement, de sombrer dans la dépression comme c'est le cas, par exemple, des personnes diabétiques, l'aide psychologique serait d'un grand apport. Ce n'est pas le cas chez nous, en Algérie, chez le public ou chez le privé. Comme nous venions de le dire, les médecins ne restent pas le temps nécessaire avec leurs patients pour expliquer les choses clairement et correctement. C'est dire à quel point il est difficile pour un malade de suivre régulièrement son traitement. Très souvent, on ne revoit son médecin que dans des cas d'urgence : une forte grippe, une bronchite aiguë, des difficultés respiratoires, etc. On retourne chez son médecin «contraint» et «contrarié». Un père se rappelle, à la fois riant et triste, la phrase d'une de ses filles, asthmatique depuis son jeune âge : «Papa, dis au médecin de me donner un médicament qui me protègera toute ma vie.» La fille était toute jeune mais était fortement perturbée par sa maladie. C'est aussi le cas de toutes les personnes qui souffrent de ces pathologies respiratoires. C'est un handicap. C'est, parfois, un complexe. C'est surtout une lourde charge. D'où l'intérêt de mieux comprendre sa maladie et de l'apprivoiser au lieu de lui résister. Aussi, comme nous pouvons le constater, beaucoup parmi ces personnes malades ne prêtent pas attention aux conditions environnementales, devenues hostiles et défavorables pour leur guérison. L'incompréhension de l'entourage, son indifférence et le manque de moyens et d'initiatives pour améliorer les conditions de vie et de travail ne sont pas pour arranger les choses. En effet, le tabagisme passif est un grand problème pour ces personnes trop vulnérables. Pourtant, il ne sert pratiquement à rien de dire à un fumeur qu'il dérange par sa cigarette dans le milieu du travail. A Alger, pour ne citer que cette grande ville du pays, la pollution, de façon générale, conjuguée avec l'humidité, constitue un obstacle majeur à la guérison. Le travail dans des bureaux exigus et mal aérés, l'habitation dans des pièces qui ressemblent plus à des caves… cela aussi est un grand handicap. Malheureusement, pour changer la situation, il faudrait aller vers des solutions radicales : changer de travail, d'habitation et peut-être même d'amis. Ce n'est pas évident en ces temps de chômage, de difficultés d'accès à l'emploi et au logement. On laisse donc faire les choses. Les malades peu engagés Une association de personnes asthmatiques existe en Algérie mais on n'entend parler d'elle que rarement. Elle n'est pas présente sur le terrain et, sommes-nous tentés de dire, elle ne milite pas pour les droits des asthmatiques. Peut-être qu'elle n'en a pas les moyens ou le personnel qualifié. Une association active et efficace devrait pourtant être là et parler de tous les problèmes des personnes asthmatiques et autres, organiser des journées d'information et de prévention, faire de l'éducation sanitaire… s'affirmer simplement en tant qu'interlocuteur des pouvoirs publics. C'est un souhait, un rêve peut-être. Il y a très peu d'engagement de la part des malades et de leurs proches pour changer les choses. Pourtant, si le changement ne vient pas d'eux-mêmes, eux qui sont les premiers et les véritables concernés, il ne viendra pas d'autres. Surtout pas du ministère de tutelle trop occupé à suivre l'évolution du virus de la grippe porcine en Algérie pour lequel un vaccin a été importé mais pas encore distribué. Les lots de vaccin sont toujours sous contrôle de l'Institut Pasteur d'Alger (IPA) depuis plusieurs semaines sans qu'une explication convaincante soit donnée par le laboratoire ou le département de Saïd Barkat. Pendant ce temps, de nombreuses personnes, dont celles justement qui souffrent de maladies respiratoires et allergiques, courent le risque d'attraper le virus rien qu'en se rendant chez leur médecin pour leur rendez-vous. K. M