Photo : Riad Par Faouzia Ababsa L'impunité s'est installée en Algérie. Elle s'est même ancrée. Cela, bien sûr, n'est plus un secret pour personne. Certes, les engagements pris par le premier responsable du pays ont quelque peu permis aux citoyens d'entrevoir une lueur d'espoir. Surtout lorsqu'ils l'ont entendu interpeller publiquement les membres du gouvernement au sujet de l'affaire Khalifa. Le président de la République leur avait clairement demandé de se dépêcher de rembourser ce qu'ils ont pris avant qu'ils ne soient éclaboussés et traduits devant les tribunaux. C'était le 24 février 2005, à l'occasion de la commémoration de l'anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures. L'été 2006, la presse se fait l'écho de l'arrêt de renvoi élaboré par les deux magistrats chargés d'instruire le dossier de ce qui allait être connu sous l'appellation du «plus grand scandale du siècle». Le contenu du document a choqué tout le monde. Des noms de personnalités, des ministres en poste, de hauts cadres de l'Etat qui étaient au-dessus de tout soupçon s'étalaient à longueur de pages. En janvier 2007, le tribunal criminel près la cour de Blida ouvre le procès qui durera près de trois mois. Et, surprise ! Plusieurs personnes citées par le document des magistrats instructeurs ont tout bonnement disparu de l'arrêt de la chambre d'accusation. D'aucuns qui avaient réellement cru qu'avec ce procès l'Algérie allait enfin entrer dans une nouvelle ère, celle de l'égalité entre tous devant la loi, ont vite déchanté, non sans se sentir offensés, car trompés par les discours. Ils ont compris, à travers cette affaire, que les intouchables resteraient à jamais protégés et que ce sont surtout les lampistes, voire les exécutants qui payaient la facture. L'affaire Khalifa n'est pas singulière. D'autres scandales ont éclaté, mettant en cause des hauts responsables et des élus. Des députés se voient impliqués dans des transactions douteuses, des détournements de deniers publics, voire de mœurs. Interprétant à leur manière le sacro-saint principe de l'immunité parlementaire, ils continuent à bénéficier de la liberté et à vaquer à leurs «occupations». Nous n'avons pas connaissance que le Parlement avec ses deux chambres ait soumis aux élus la proposition de levée de l'immunité parlementaire, quand il arrive qu'elle soit demandée par un magistrat via le garde des Sceaux. D'autres, notamment des élus locaux mêlés à des affaires similaires prises en charge par la justice, ne sont pas suspendus de leur poste comme le prévoit la loi, le temps que leur innocence ou leur culpabilité soit prouvée. Certains qui ont même été condamnés récemment, certes à des peines de prison avec sursis, ne sont pas inquiétés et continuent d'administrer la commune, en faisant des transactions et en passant des marchés. D'autre part, personne ne connaît la suite réservée aux affaires dans lesquelles sont mêlés les ex-walis de Blida et d'El Tarf. Pourtant mis sous contrôle judiciaire par les magistrats en charge des dossiers. On n'en entend plus parler. Les banques publiques continuent, elles aussi, à faire l'objet de dilapidation et de détournements parce que les mécanismes de contrôle sont loin, très loin de garantir la protection de l'argent du contribuable, et les coupables, les véritables, jouissent du fruit de leur «labeur». C'est le règne de l'omerta pour certains, et d'éclaboussures pour les «moins protégés». Toutefois, les Algériens sont loin d'être dupes, et ce n'est pas l'euphorie de la victoire de l'équipe nationale et ses deux qualifications à la CAN et au Mondial qui les rendront amnésiques. Les deux événements prendront fin. Les Algériens retourneront à leur quotidien avec tout cela comprend comme problèmes et difficultés, face à des comportements ostentatoires et méprisants. A ce moment-là, personne ne répondra de leurs actes, tant il est vrai que les émeutes sont devenues, malheureusement, l'unique moyen d'expression d'un ras-le-bol et de lancement de cris de détresse à l'adresse des gouvernants.