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Quand des réseaux spécialisés font la loi
Le vol de câbles de cuivre porte énormément préjudice à l'économie nationale
Publié dans La Tribune le 21 - 07 - 2008

«Le malheur des uns fait le bonheur des autres.» Cet adage est encore vérifié dans notre pays ! Et pour cause, durant la décennie où l'Algérie avait subi les affres du terrorisme barbare et où des milliers de personnes ont laissé leur vie, une certaine catégorie sociale a procédé à des pratiques peu orthodoxes pour s'enrichir. Même les plus frauduleuses, en violant les sacro-saintes lois de la République. Le secteur commercial et économique, un domaine où «l'argent coule à flots», n'a pas été épargné par ces escroqueries, portant ainsi préjudice à l'économie nationale. En effet, parmi les problèmes d'ordre économique soulevés ces dernières années par la presse nationale figure le vol des câbles de cuivre. A première vue, cette pratique apparaît comme une procédure réservée à quelques individus, qui agissent de leur propre gré et pour leur propre compte, en volant quelques câbles ainsi que des déchets ménagers en cuivre. Mais ce phénomène est, à vrai dire, l'œuvre d'un réseau, allant de l'exécutant, ou celui qui ramasse des déchets (dans la majorité des cas des enfants), en passant par les intermédiaires (récupérateurs et ferrailleurs) à l'exportateur. Des réseaux ont été en effet constitués. Même quelques responsables de la Douane algérienne avaient préféré manger de ce pain noir, avec une longue, une très longue cuillère. Les sociétés les plus exposées à ce qui s'apparente à un «sport d'équipe» sont Algérie Télécom, Sonelgaz et la Société nationale des transports ferroviaires (SNTF). Les chiffres fournis par la
Gendarmerie nationale parlent d'eux-mêmes : des kilomètres de cuivre volés, évalués à des centaines de millions de dinars. A la question : où se situe la responsabilité ? La réponse reste pendante, les uns et les autres se rejetant la responsabilité. Les pouvoirs publics, notamment le ministère du Commerce, en dépit de la loi sur les déchets ferreux et non ferreux, (le cuivre étant un déchet non ferreux) sont restés impuissants. Et pour cause, certains exportateurs, défiant les lois de la République, ont continué normalement à exporter d'autant plus qu'ils bénéficient de l'appui et des assurances des hauts responsables, mais surtout changent, avec l'art et la manière, de nom et de registre du commerce. «Certains exportateurs, même ceux ayant été mis en liberté provisoire, continuent d'exporter les déchets non ferreux, dont le cuivre, avec des faux noms et des faux registres du commerce», nous a déclaré M. Noureddine Sergoua, président de l'association nationale (en voie d'agrément, ndlr) des récupérateurs et exportateurs des déchets de métaux ferreux et non ferreux.
Pour rappel, en juillet 1994, après l'ouverture du marché des déchets non ferreux au privé, un scandale a éclaté, suite aux révélations d'un exportateur et d'un responsable de la direction générale des Douanes lors d'une émission TV. Des révélations qui avaient suscité des interrogations sur la scène économico-financière nationale et avaient fait la une des journaux durant plusieurs jours. «Actuellement, il y a une affaire qui traîne ; elle remonte au début des années 2000. Elle a vu l'implication d'une dizaine d'exportateurs et de quelques agents de la Douane. Les motifs avancés par la justice sont le manque de traçabilité, la fausse déclaration et le
non rapatriement des biens», précise la même source.
Quand des enfants laissent leur vie pour des kilos du cuivre…
Le phénomène du vol de câbles électriques prend des proportions de plus en plus importantes. En plus des pertes matérielles enregistrées chez AT, Sonelgaz et la SNTF, et dans une moindre mesure, la société française Alstom, cette pratique a été marquée par la mort de plusieurs ramasseurs et récupérateurs de ces déchets. En effet, selon M. Sergoua, des enfants, «travaillant», dans des décharges publiques, sont régulièrement exposés au danger. Ces dernières années, une dizaine d'enfants ont laissé leur vie dans ces lieux suite à des blessures contractées à cause de ces matériaux. «Dans des décharges publiques, on enregistre au moins 3 à 4 décès en l'espace de quelques mois. Des enfants ont succombé à leurs blessures à cause de ces morceaux de fer et de cuivre», ajoute notre interlocuteur. Le danger est toujours présent. C'est ce que nous a expliqué le service de communication de la Sonelgaz. En effet, en intervenant sur les lignes aériennes en fonctionnement, les voleurs risquent leur vie et plusieurs d'entre eux ont été victimes d'électrocution sans que cela les dissuade de continuer leur trafic. En revanche, ceux qui sortent indemnes de ce «rapt» sont en voie d'acquérir une expérience de plus en plus pointue. Les agents du Groupe Sonelgaz assistent aujourd'hui à des démontages, fruit de professionnels aguerris», de tableaux basse tension et de disjoncteurs moyenne tension. «Une douzaine de tableaux basse tension ont été démontés et volés de l'intérieur des postes de transformation, ce qui a amené les exploitants à les souder pour rendre l'opération de démontage plus difficile», ajoute-t-on. Pour ce qui est des pertes matérielles, ce phénomène, localisé (le cas de Sonelgaz) dans un premier temps principalement au niveau des déchets, notamment les matériels déposés, s'est étendu par la suite aux réseaux électriques des zones
abandonnées lors de la tragédie nationale. «Ces dernières années, le phénomène s'est propagé aux réseaux sous tension y compris les équipements des postes moyenne tension et basse tension et les disjoncteurs moyenne tension», nous a précisé le service de communication de Sonelgaz.
Les voleurs profitent également de la particularité de la distribution électrique à travers les réseaux de lignes aériennes et souterraines. Ce qui rend les équipements et les ouvrages vulnérables car ne pouvant faire l'objet
de gardiennage.
La hausse des prix du cuivre, l'élément amplificateur…
Par ailleurs, la hausse des prix du cuivre, de l'aluminium et de l'acier encourage les voleurs à persévérer dans
leur délit et fait perdurer le phénomène.
Au niveau des sociétés susmentionnées, les raisons de l'explosion de ce genre de pratiques ont un dominateur commun. C'est la hausse des prix de ce produit. «Le vol du cuivre a été enregistré depuis 5 ou 6 ans, soit depuis la hausse des prix, car cette hausse a suscité la convoitise des gens malhonnêtes», explique M. Sergoua. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, cette pratique a fait perdre des milliards à ces sociétés. «La disparition d'une partie d'une ligne ou d'une partie des conducteurs d'une ligne électrique occasionne une interruption immédiate de la fourniture de l'énergie électrique. Ainsi, le manque à gagner enregistré par la collectivité se chiffre, selon le cas, en dizaines de millions de dinars car toutes les activités socio-économiques sont paralysées», souligne la Sonelgaz. A titre d'exemple, Sonelgaz distribution Ouest a perdu, depuis seulement le début de l'année près de 120,690 km. Soit près de 188 432 KDA. «Pour le Groupe Sonelgaz, le taux de pertes est également très important et se caractérise par des Kilowattheures [kWh] non vendus et des réseaux détruits qu'il faut rétablir très vite», fait savoir la même source. Et comme l'appétit vient en mangeant, ces voleurs, selon Sonelgaz, sont en mesure de passer à d'autres étages, après avoir opéré sur la basse tension, la 10 kV et la
30 kV. Même degré de pertes chez Algérie Télécom.
Cette société, à se référer aux chiffres fournis par son directeur de communication, M. Meziani, a perdu, pour le compte de l'année 2007, pas moins de 201 millions DA. Par région, la direction territoriale d'Alger a enregistré un vol de 37 199 m, soit en termes d'estimations financières, 46 millions de dinars. Constantine, Oran et Ouargla ont connu des pertes, respectivement de 10, 11 et 20 millions DA.
M. Meziani a tenu cependant à ajouter que des plaintes ont été déposées contre X à chaque forfait.
Renforcer les structures de sécurité pour parer à toute tentative de vol
Devant ces pratiques, le Groupe Sonelgaz a préparé un plan pour diminuer un tant soit peu l'ampleur de ce phénomène qui le frappe, faut-il le rappeler, de plein fouet. Il a remplacé le cuivre par de l'aluminium sur les réseaux basse tension. Ce qui a quelque peu réduit le nombre de vols. Cependant, avec l'envolée de son prix, ce métal est aussi convoité.
D'autres mesures sont mises en œuvre par les exploitants, telles que la soudure des tableaux basse tension et le renforcement du gardiennage des équipements stratégiques afin de réduire le phénomène. «Je conseille
fraternellement aux entreprises concernées par le vol du cuivre de renforcer leur sécurité», a suggéré M. Sergoua.
S. B.


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