Photo : M. Hacène Par Samir Azzoug «La société civile doit se mobiliser pour envoyer un écrit au président américain, Barack H. Obama, afin de dénoncer la décision discriminatoire et humiliante d'intégrer l'Algérie sur la liste des pays à risque», a recommandé Mme Saïda Benhabiles, hier, lors d'une conférence de presse organisée au siège de la maison de la presse Tahar Djaout à Alger. Lauréate du prix des Nations unies de la société civile 2001, pour l'action de l'Association nationale d'aide à la femme rurale, dont elle est présidente, elle regrette que «la politique internationale de George W. Bush ne soit pas révolue». La décision américaine, suivie par celle de la France, d'imposer aux voyageurs en provenance de 14 pays considérés à risque, dont l'Algérie, des contrôles poussés, a soulevé l'indignation des Algériens à tous les niveaux. Après la convocation de l'ambassadeur américain à Alger, et la demande d'«explications» exigées par le ministre des Affaires étrangères, c'est au tour de Mme Benhabiles de monter au créneau. «Je salue l'attitude officielle de l'Algérie. Mais nous pensions qu'avec cette position la décision américaine et française allaient changer. Il n'en est rien», constate-t-elle. La conférencière dénonce également les contradictions des Occidentaux face à la position algérienne. «On nous fait subir une “douche écossaise”. D'un côté on loue la résistance algérienne contre le terrorisme et d'un autre on devient des terroristes présumés», constate-t-elle. Très remontée, Mme Benhabiles «rafraîchit les mémoires» : «S'il y à bien une victime du terrorisme, c'est l'Algérie. Pendant que notre pays résistait aux intégristes islamistes, les Etats-Unis leurs ouvraient grands les bras et les soutenaient». Pour appuyer ses allégations, elle fait référence au livre du reporter américain John K. Cooley, un spécialiste du terrorisme et du Moyen-Orient, CIA et Jihad 1950-2001 : contre l'Urss, une désastreuse alliance. Dans son ouvrage, le journaliste écrit : «Les origines du terrorisme en Algérie se situent en dehors des frontières algériennes et les politiques occidentaux (Européens et Américains) sont coresponsables de l'instrumentalisation de l'islam et ses conséquences». Une instrumentalisation qui prend effet à partir de la guerre afghane contre l'ex-URSS. «Les anciens combattants de la légion arabe en Afghanistan ont été le noyau dur du GIA. Charles Cogan, ancien responsable de la CIA, chargé de la division Proche-Orient a révélé que les Etats-Unis ont déboursé 3 milliards de dollars pour soutenir la rébellion afghane contre l'ex-Union soviétique», note John K. Cooley. Mme Benhabiles poursuit : «La CIA a permis, à l'époque, à plus de 2 000 Algériens de rejoindre l'Afghanistan. L'ambassade pakistanaise à Alger a délivré 2 800 visas. Les 1 000 combattants qui sont rentrés plus tard d'Afghanistan ont constitué le noyau dur du Groupe islamique armé (GIA)». Interrogée sur le rôle de la diplomatie algérienne et sa pertinence, l'oratrice insiste : «Le fait que notre pays figure sur cette liste n'est pas un échec de la diplomatie algérienne. C'est plutôt la preuve de la défaillance de la politique américaine dans la lutte contre le terrorisme. Il est temps que les Etats-Unis et es autres pays révisent leurs positions. Le terrorisme ne se combat pas par des listes, c'est la politique du deux poids, deux mesures dans la gestion des affaires internationales qui nourrit l'extrémisme. Ce qui se passe en Palestine, au Sud-Liban ou en Afghanistan en est la preuve», argue-t-elle. Tout en réclamant le retrait de l'Algérie de la liste des pays à risque, Mme Benhabiles exhorte la société civile et les ONG algériennes à allier leurs efforts pour dénoncer cette «humiliation et discrimination». «On a baissé les bras et banalisé les morts. La solidarité qui a caractérisé la résistance algérienne lors de la décennie rouge doit renaître», préconise-t-elle.