Photo : S. Zoheir Par Hassan Gherab «La demande est principalement sur les CD de raï, chansons orientales et les compils de musique occidentale. Il y a un peu de chaabi. Ces derniers temps, les chansons sur l'équipe nationale sont aussi très demandées. Quant aux autres styles, le jazz, le rock, le blues, il est rare de voir un client en demander.» C'est le constat d'un vendeur chez un disquaire de la rue Larbi Ben M'hidi, une rue passante et commerçante. Il ne différera pas beaucoup de ceux d'autres quartiers de la capitale, qu'ils soient populaires ou résidentiels. Ni même de ceux d'autres villes du pays. Est-ce à dire qu'il n'y a plus personne qui écoute et apprécie les autres genres et styles musicaux ? «Non. Seulement, ils se pourvoient ailleurs. Soit ils téléchargent les albums, soit ils les ramènent de l'étranger», répondra un vieux disquaire qui dira compter parmi ses clients quelques amoureux de Brassens, Brel, Ferrat, Féret, Genesis, Miles Davis, Milteau, Count Bassie... «J'essaye de les satisfaire. Mais, on peut télécharger tous les albums de ces chanteurs et groupes à moindre frais, voire gratis -c'est ce que font d'ailleurs certains éditeurs-… Ces chanteurs ne vendent donc pas. C'est pour ça qu'ils ne sont pas très présents dans nos rayons», explique-t-il. Le même constat est donné par les libraires qui s'accordent à dire que le gros des ventes est enregistré avec les livres parascolaires et de spécialités. Une infime partie revient à la littérature. Le livre est logé à la même enseigne que la musique. Et son prix n'est pas la seule raison de sa mévente. On n'achète pas de livres -même chez les bouquinistes- parce qu'on ne lit plus aussi. Quant aux raisons de ce désintérêt de la lecture et du livre, il faut les chercher dans l'éducation aussi bien parentale que scolaire. Les parents n'essayent plus d'éveiller l'amour du livre chez leurs enfants alors que l'école, qui est censée prendre le relais et compenser la défaillance des parents, n'inculque aux élèves que les moyens d'apprendre (compter et déchiffrer) non de comprendre (analyser et interpréter). Or, c'est la compréhension qui éveille l'intérêt, cultive l'intelligence et contribue au développement de l'esprit critique. Pour les autres arts, la situation n'est pas meilleure. Le théâtre, malgré le sursaut que connaît la production tant qualitativement que quantitativement, cherche encore son public. Le cinéma, qui n'a pas déjà beaucoup d'espaces, est désormais supplanté par le DivX et le DVD qui ne se vendent même plus dans les magasins mais sur les trottoirs où ils sont proposés à des prix qu'aucun producteur ou distributeur de films ne peut concurrencer, entre 80 et 100 dinars pour pas moins de 5 films téléchargés gratuitement ou presque. Les arts plastiques sont encore moins lotis. Les expositions et les quelques galeries d'art n'attirent que les initiés, en majorité des plasticiens, et souvent le jour du vernissage seulement. En somme, un vide se fait autour de la culture, et il est malheureusement rempli par des avatars et des ersatz qui ne participent guère à l'éveil culturel de la société… bien au contraire.