Algérie Télécom, l'opérateur historique de téléphonie fixe, connaît depuis une décennie des scandales financiers à répétition. Malversations, transactions douteuses et détournements de lignes téléphoniques au profit d'El Qaïda sont les griefs retenus par la justice à l'encontre de cinq P-DG qui se sont succédé à sa tête depuis 2004. A dire vrai, la série d'affaires portées devant l'opinion publique, par médias interposés, n'est que la partie visible de l'iceberg. Le cas du détournement de lignes téléphonique au profit d'un réseau d'El Qaïda à Annaba, à ce titre, est édifiant. Des investigations menées par les services de sécurité, en étroite collaboration avec Interpol, avaient, en effet, permis de mettre au jour les activités des membres d'un réseau terroriste international et leur arrestation. Cette affaire, qui remonte à 2005, met en cause des employés d'Algérie Télécom, pour avoir détourné l'une des lignes au profit d'étudiants yéménites inscrits à l'université d'Annaba, en relation avec le réseau El Qaïda. L'enquête a montré que des milliers d'appels avaient été passés vers plus d'une dizaine de pays, dont l'Arabie saoudite, l'Iran et le Yémen. Le montant des communications piratées avoisine 5 milliards de centimes, puisqu'une facturation détaillée d'une seule des lignes téléphoniques piratées fait état de 12 millions de dinars pour une période d'un mois. Une cinquantaine de personnes, entre cadres, techniciens et témoins, sont impliquées. Statuant dans l'affaire, le juge d'instruction de la 2e chambre près le tribunal d'Annaba a placé sous contrôle judiciaire un deuxième responsable d'Algérie Télécom. Poursuivi dans cette affaire scandaleuse qui avait défrayé la chronique durant l'été 2005, cet ancien directeur de l'unité opérationnelle des télécommunications (UOT) d'Algérie Télécom à Annaba, à la retraite depuis deux ans, et un ancien directeur d'une agence Actel Annaba chargé de la sécurité régionale au niveau de la direction territoriale des télécommunications (DTT) dans cette même wilaya, ont été mis sous contrôle judiciaire. Plusieurs délits ont été retenus dans cette affaire, dont la dilapidation des deniers publics et le détournement des biens de l'Etat à des fins subversives. A Algérie Télécom, les scandales se suivent et ne se ressemblent pas. Sur la kyrielle de dirigeants qui ont eu maille à partir avec la justice, certains ont été condamnés à de lourdes peines de prison dans des affaires liées à des dilapidations de «dépenses publiques», d'autres de transaction immobilière douteuse ou de «malversation» liée elle aussi au non-respect des codes des marchés. Selon d'autres informations rendues publiques, Algérie Télécom satellite (ATS), la filiale d'AT, a également fait l'objet d'une enquête au sujet des transactions douteuses, d'une valeur de plus de 2 milliards de dinars sans passer par l'avis d'appel d'offres obligatoire, avec une entreprise étrangère, WMC SAT, qui détient des filiales en Algérie. S'ensuivirent d'autres scandales qui ont éclaboussé Algérie Poste, dont celui des sacs bourrés d'argent retrouvés au niveau d'un bureau de poste de Blida qui ont éclaboussé le staff dirigeant d'Algérie Poste, en plus des receveurs de certains des plus importants bureaux de poste de la capitale. Ce n'est pas fini. Sur la base de plaintes de citoyens, surpris de recevoir des factures de téléphone «salées», les services de police ont mis à nu plusieurs affaires de malversation mettant directement en cause des cadres et personnels de Mobilis et d'Actel dans des opérations de piratage de lignes téléphoniques. En plus du préjudice financier qu'entraîne cette succession d'affaires, il s'avère que la cupidité peut, parfois, dépasser toutes les limites, au point même de constituer un danger pour la sécurité nationale. En ce sens, le déballage de ces affaires ne se limite pas au seul mérite d'avoir mis à nu les lacunes dans la gestion de cette entreprise, qui aurait dû se prémunir contre ces tricheries nuisant à son image de marque. Il pose, en réalité, la problématique de sécuriser ce genre d'entreprises stratégiques contre de telles pratiques qui menacent la sécurité nationale. Que l'affaire du détournement des lignes téléphoniques mette en jeu un réseau dormant d'El Qaïda souligne la nécessité de prendre en charge la sécurité des entreprises névralgiques contre ce genre de pratiques maffieuses, qui, à la longue, peuvent se révéler une source de concussion avec l'ennemi et un champ ouvert à l'intelligence étrangère. A. R.